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près de Lundenbourg, sur les frontières de la Moravie et de l’Autriche, un château fort auquel il donna son nom. Enfin, dans le royaume nouvellement constitué de la Pologne, notamment à Gnesen, la capitale, les Juifs, tout en vivant sous des souverains chrétiens, pouvaient, comme en Bohème, posséder des esclaves chrétiens.

Mais si, au point de vue matériel, la situation des Juifs de l’Europe orientale était satisfaisante, leur culture intellectuelle laissait à désirer. Ils ne semblaient même posséder parmi eux aucun talmudiste. Ce n’est qu’un siècle plus tard que l’histoire mentionne quelques rares talmudistes de la Bohème, de la Pologne et de la Russie.

Il se préparait alors, dans l’Europe occidentale, des événements qui devaient modifier profondément la situation des Juifs de cette région : c’était la conquête de l’Espagne par les chrétiens et la première croisade contre les musulmans de l’Orient. Ces guerres furent douloureuses pour les Juifs et très préjudiciables à leurs études. En Espagne, les Juifs furent mêlés assez activement aux événements. Ils ne prévoyaient pas qu’en contribuant, dans ce pays, à la destruction de l’islamisme et au développement de la puissance chrétienne, ils aidaient à creuser la mine qui devait faire sauter plus tard leurs descendants.

Ce fut Alphonse VI, l’habile et vaillant roi de Castille, qui porta les premiers coups aux musulmans d’Espagne. Esprit très souple et très adroit, il vit de suite qu’il ne pourrait conquérir les États mahométans qu’en semant la division parmi eux et en les affaiblissant les uns par les autres. Pour atteindre son but, il avait besoin de diplomates intelligents et expérimentés, qu’il ne pouvait trouver que parmi les Juifs. Ses chevaliers étaient trop grossiers et ses bourgeois trop ignorants pour réussir dans ces missions délicates, auprès des cours spirituelles, élégantes, instruites, de Tolède, de Séville et de Grenade. Seuls les Juifs comprenaient assez bien la langue arabe, avec ses finesses et ses subtilités, étaient assez au courant de la littérature arabe et avaient des manières d’une noblesse et d’une aisance suffisantes pour plaire à des princes musulmans. C’était donc parmi eux qu’Alphonse VI choisissait ses ambassadeurs. Tel fut Amramben Isaac ibn Shalbib, d’abord médecin, plus tard secrétaire intime et conseiller influent