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ouvrage, Ibn Gabirol exalte les grâces de la langue hébraïque, que les anges emploient journellement pour chanter les louanges du Créateur, qui a servi à Dieu sur le Sinaï, aux prophètes et aux psalmistes, et il fustige de sa verve sarcastique l’indifférence de la communauté aveugle de Saragosse pour l’hébreu. Les uns, dit-il, parlent l’iduméen (le roman) et les autres la langue de Kèdar (l’arabe). Ibn Gabirol écrivit cette grammaire à Saragosse.

C’est aussi dans cette ville qu’Ibn Gabirol composa (en 1045) un traité de morale. Cet ouvrage n’a pas la mène valeur philosophique que ses écrits postérieurs, mais il offre un vif intérêt, à cause de l’esprit qui y règne et de la grande érudition que l’auteur, encore très jeune, y déploie. À côté de citations de la Bible et de sentences talmudiques, on y trouve des maximes du divin Socrate, de son disciple Platon, d’Aristote, de philosophes arabes et surtout d’un moraliste juif nommé Alkouti. Cet écrit, intitulé Du Perfectionnement des facultés de l’âme, expose un système original sur le tempérament, les passions et les instincts de l’homme. Il contient aussi des allusions mordantes à certains juifs de Saragosse. Ces traits étaient sans doute peu déguisés, car Ibn Gabirol ajoute : Il est inutile que je cite les noms, on reconnaîtra facilement les personnages. Il attaque surtout les orgueilleux, toujours disposés à humilier les autres et à vanter leur propre mérite, les hypocrites, qui parlent sans cesse d’amitié et de dévouement et dont le cœur déborde d’envie et de haine. Dans la préface, l’auteur ne se dissimule pas que ses railleries lui créeront de nombreux ennemis, mais la crainte du danger ne l’empêchait pas d’accomplir ce qu’il considérait être son devoir. Qu’ils me haïssent, dit-il, je ne m’abstiendrai pas de faire le bien.

Peu de temps après, ses prévisions se réalisèrent ; il fut expulsé de Saragosse (après 1045). En partant, Ibn Gabirol proféra des plaintes amères contre Saragosse, qu’il comparait à Gomorrhe. En même temps, devant l’avenir douloureux dont il se sentait menacé, il faisait entendre en vers pathétiques de déchirants cris de détresse. Dans son désespoir, il voulait quitter l’Espagne et aller visiter l’Égypte, la Palestine et la Babylonie. Pour se donner du