Juifs portugais et des réfugiés espagnols n’était pour eux qu’une sorte de masque dont on les obligeait à s’affubler, mais qu’ils se hâtaient de jeter au loin dès que les circonstances le leur permettaient. De ces convertis, plusieurs devinrent plus tard des rabbins considérés, notamment Lévi ben Habib, nommé rabbin de Jérusalem. Réussir, à cette époque, à sauver sa vie sans apostasier, était considéré par les Juifs comme un vrai miracle, un bienfait tout spécial de la Providence. Isaac ben Joseph Caro, de Tolède, qui avait cherché un refuge en Portugal et y avait vu périr tous ses enfants, petits et grands, remercia Dieu de l’avoir protégé sur mer et conduit sain et sauf en Turquie. Abraham Zacuto aussi, quoique étant ou peut-être parce qu’il était favori, astrologue et chronographe du roi Manoël, vit pendant quelque temps son existence menacée avec celle de son fils Samuel. Après avoir heureusement résisté aux plus dures épreuves, ils parvinrent à sortir du Portugal, furent faits deux fois prisonniers et arrivèrent enfin à Tunis.
Les Juifs restés en Portugal, qui s’étaient soumis au baptême pour ne pas se séparer de leurs enfants ou pour échapper aux tortures, ne se résignèrent pas non plus à demeurer chrétiens. Comme le siège pontifical était alors occupé à Rome par un pape, Alexandre VI, qui, selon un mot très répandu dans la chrétienté, était capable de vendre les clés du ciel, l’autel et le Christ, ils envoyèrent auprès de lui, avec une forte somme d’argent, une délégation de sept membres pour lui demander de déclarer nul le baptême qu’on leur avait imposé. Ce pape et le sacré-collège firent aux délégués juifs un accueil encourageant ; le cardinal de Sainte Anastasie leur accorda même sa puissante protection. Mais sur l’ordre du couple royal d’Espagne, l’ambassadeur espagnol Garcilaso mit tout en œuvre pour faire échouer leurs démarches. Ils semblent pourtant avoir obtenu un résultat, car le roi Manoël promulgua (30 mai 1497) un édit de tolérance pour protéger pendant vingt ans tous les Juifs baptisés de force contre toute accusation fondée sur la prétendue observance des rites juifs. On voulait leur laisser le temps de se corriger de leurs anciennes habitudes et de s’accoutumer aux pratiques chrétiennes. Ce délai de vingt ans expiré, les procès d’hérésie, d’après