le Juif Isaac Hamon, qui fut influent à la cour et que le peuple estimait beaucoup, comme le prouve le fait suivant. Un jour qu’une querelle s’était élevée entre Maures dans les rues de Grenade, des assistants adjurèrent les combattants, au nom de Mahomet, de se séparer, mais sans succès. Par contre, ils furent écoutés quand ils les prièrent au nom d’Isaac Hamon. Irrités de ce que le nom du médecin juif eût produit plus d’effet sur la foule que celui de Mahomet, des musulmans fanatiques se ruèrent sur les Juifs de Grenade. Ceux-là seuls échappèrent au massacre qui purent se réfugier dans le château fort royal. Pour ne plus exciter la jalousie de la population musulmane, les médecins juifs de Grenade résolurent, après cet événement, de ne plus porter de vêtements de soie et de ne plus sortir à cheval.
Enfin, après une guerre longue et sanglante, le beau royaume de Grenade tomba au pouvoir des Espagnols. Par une convention secrète, signée le 25 novembre 1491, le dernier roi maure, l’insouciant Muley Abou Abdallah (Boabdil) s’engagea envers Ferdinand et Isabelle à leur livrer, dans un délai de deux mois, la ville et le district de Grenade. Abstraction faite de la perte de leur indépendance, les Maures n’eurent pas à subir des conditions, bien dures. Ils pouvaient continuer à pratiquer leur religion, à se faire juger par leurs tribunaux spéciaux et à conserver leurs us et coutumes, avaient le droit d’émigrer et n’étaient assujettis qu’aux impôts qu’ils avaient payés jusqu’alors aux princes maures. On garantissait toute sécurité aux relaps, c’est-à-dire aux Maures convertis (Modejares) qui, par crainte de l’Inquisition, s’étaient enfuis d’Espagne dans le royaume de Grenade et y étaient retournés à l’islamisme. Mêmes garanties pour les Juifs de la villa de Grenade, du quartier Albaicin, des faubourgs et des environs ; l’Inquisition ne devait avoir aucun pouvoir sur eux. Les Marranes étaient libres d’émigrer pendant le premier mois qui suivrait la reddition de la ville ; passé ce délai, ceux qui resteraient pourraient être arrêtés par les inquisiteurs.
Le 2 janvier 1492, Ferdinand et Isabelle, entourés de leurs troupes, firent leur entrée solennelle dans la ville de Grenade, au son des cloches, et la puissance musulmane disparut ainsi à jamais de la péninsule ibérique. Après avoir jeté un triste regard d’adieu,