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dans les provinces aragonaises et de nommer comme juge suprême le dominicain Thomas de Torquemada, à qui son fanatisme impitoyable a valu une triste célébrité. Sixte IV, qui était alors particulièrement intéressé à entretenir des relations amicales avec la cour d’Espagne, accorda encore au souverain une autre concession importante. Il arrivait souvent que des Marranes, condamnés comme hérétiques en Espagne, réussissaient à se réfugier à Rome, où la cour pontificale leur accordait l’absolution contre une somme d’argent, en se contentant de leur imposer secrètement une légère pénitence. De cette façon, Ferdinand et Isabelle voyaient échouer les efforts qu’ils faisaient pour exterminer les Marranes, purifier la foi chrétienne et s’approprier la fortune des coupables. Ils demandèrent donc au pape de nommer en Espagne même un juge d’appel pour les procès d’hérésie, afin que les arrêts prononcés par les tribunaux d’inquisition ne pussent plus être mis en discussion en dehors du pays et battus en brèche par toute sorte d’influences. Sixte IV obtempéra à leur désir.

Depuis trois ans que l’Inquisition fonctionnait, plusieurs milliers de Marranes avaient disparu de l’Espagne, brûlés sur les bûchers, oubliés dans les prisons ou échappés du pays. Mais la persécution ne prit un caractère de sauvage férocité qu’à partir du moment où l’Inquisition eut à sa tête un prêtre dont le cœur était fermé à toute compassion et dont chaque parole était un ordre de mort. Il se rencontre parfois des hommes qui vont jusqu’aux conséquences extrêmes d’un principe, bon ou mauvais, et deviennent en quelque sorte la personnification même de ce principe. Torquemada, lui, personnifie l’Inquisition avec son infernale méchanceté, sa sévérité inexorable et sa cruauté sanguinaire. Jusqu’alors, l’action de l’Inquisition avait été limitée à l’Espagne méridionale, aux districts de Séville et de Cadix, à l’Andalousie proprement chrétienne, mais elle n’avait pas pu s’étendre dans les autres provinces de l’Espagne à cause de l’opposition des cortès. Par suite de la cupidité de Ferdinand, qui recevait en partage le patrimoine des victimes, et de la piété fanatique d’Isabelle, cette situation changea. Les souverains nommèrent un inquisiteur général chargé d’instituer des tribunaux partout où il le jugerait