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aux flammes, ou, s’ils montraient quelque repentir, étranglés au préalable. Le 26 mars, dix-sept victimes furent brûlées sur le Quemadero. Depuis ce jour jusqu’en novembre, on fit monter sur le bûcher, dans le seul district de Séville, près de trois cents personnes. Les morts mêmes n’étaient pas à l’abri de la fureur du Saint-Office. Si des Marranes décédés étaient convaincus d’avoir judaïsé, leurs ossements étaient déterrés et brûles, et leurs biens enlevés à leurs héritiers et confisqués. C’était le roi qui s’en emparait.

Après avoir été seulement dirigée contre les Marranes, la persécution ne tarda pas à atteindre également les Juifs. On prétendait que c’étaient les Juifs qui, par leur influence, empêchaient les nouveaux chrétiens de professer sincèrement le catholicisme. Aussi le général de l’ordre des Hiéronymites, Alfonso de Oropesa, qui était pourtant loin d’approuver la cruauté des inquisiteurs, affirmait-il par la parole et la plume que les Juifs encourageaient les Marranes à s’obstiner dans leurs hérésies et essayaient même d’attirer d’anciens chrétiens au judaïsme. De différents côtés on exprima alors l’avis d’isoler complètement les Marranes des Juifs. Se conformant à ce désir, le couple royal ordonna que dans l’Andalousie, et particulièrement dans les diocèses de Séville et de Cordoue, où les nouveaux chrétiens se trouvaient en grand nombre, les Juifs fussent expulsés.

À la suite de cet ordre, plusieurs milliers de Juifs, dont les aïeux habitaient peut-être déjà cette région avant l’arrivée des Visigoths et leur conversion au christianisme, en furent implacablement chassés (1482). Plus de quatre mille maisons ayant appartenu à des Juifs restèrent en partie inhabitées. [lors de l’Andalousie même, dans les villes où ils pouvaient s’établir, on leur appliquait avec la dernière rigueur les lois qui leur interdisaient tout commerce avec les chrétiens et les obligeaient à porter des signes distinctifs. Exception n’était faite que pour les médecins juifs, que la population espagnole continuait d’appeler auprès des malades en dépit de toutes les prohibitions. Le temps n’était plus où des Juifs influents pouvaient faire intervenir la cour en faveur de leurs coreligionnaires et adoucir l’effet des lois restrictives.