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les lois alimentaires, de couvrir sa table d’un tapis le sabbat, de mettre en ce jour une chemise blanche ou des vêtements plus beaux que d’habitude, ou de s’y abstenir d’allumer du feu. Il était également taxé d’apostasie si on le voyait sortir déchaussé ou demander pardon à un ami le jour de l’Expiation, ou bénir ses enfants en leur imposant les mains sur la tête sans faire le signe de la croix, ou prononcer une formule de bénédiction (Baraha, Berakha) sur une coupe de vin et en faire boire aux convives. On devenait surtout suspect en s’abstenant de suivre les usages chrétiens, comme de terminer un psaume sans ajouter : Gloire au Père, au Fils, etc., ou de manger de la viande pendant le carême. Les pratiques les plus innocentes, du moment qu’elles étaient également prescrites par le culte juif, pouvaient être déclarées criminelles. Quelqu’un envoyait-il à un Juif ou recevait-il de lui des cadeaux pendant la fête des Cabanes, ou un mourant se tournait-il du coté du mur au moment d’expirer, ils étaient accusés de judaïser. On voit donc que pour des personnes peu scrupuleuses, il n’était pas difficile d’inculper des Marranes, et le tribunal trouvait toujours quelque prétexte pour condamner pour hérésie les nouveaux chrétiens les plus fermement attachés au christianisme, s’il voulait détruire leur influence ou s’emparer de leurs richesses. Aussi les prisons de l’Inquisition se remplirent-elles rapidement,. car dés les premiers jours il y eut quinze mille arrestations.

Au premier acte de foi ou autodafé, les prêtres miséricordieux du Christ inaugurèrent le bûcher par une procession solennelle, qu’ils eurent l’occasion de renouveler des milliers de fois pendant trois siècles. Voici comment on procédait : revêtus d’une robe de bure (san benito), sur laquelle était peinte une croix rouge, les condamnés s’avançaient vers le lieu d’exécution, accompagnés d’ecclésiastiques couverts de leurs somptueux ornements, de nobles habillés de noir et portant des bannières, et au milieu des chants d’une foule considérable. Quand ils étaient arrivés près du bûcher, les inquisiteurs leur donnaient lecture de l’arrêt. Joignant l’hypocrisie à la cruauté, le tribunal, pour l’exécution de la sentence, remettait le coupable au juge royal, sous prétexte que l’Église ne veut pas la mort du pécheur.

Sur le lieu du supplice, les hérétiques étaient immédiatement livrés