prétendaient avoir des droits sur eux, et très souvent le Conseil recevait l’ordre, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, d’emprisonner les Juifs ou leurs administrateurs ou bien encore leur rabbin, — à cette époque c’était le malheureux Israël Bruna, — jusqu’à ce qu’ils se fussent décidés à payer les sommes exigées. Si le Conseil de la ville les protégeait, ce n’était qu’autant que par sa protection il ne faisait courir aucun danger aux bourgeois ou que les Juifs ne portaient pas ombrage, par leur concurrence, aux corporations chrétiennes.
Pour échapper aux vexations et aux exigences tyranniques de leurs différents maîtres, les Juifs de Ratisbonne songèrent alors à se placer sous l’égide de quelque noble ou de quelque guerrier hussite, qui garantit leur sécurité plus efficacement que l’empereur. Car les hussites, qui s’étaient battus avec une vaillance héroïque dans leur lutte contre les Allemands, inspiraient encore, à cette époque, une crainte salutaire aux catholiques, et surtout au clergé d’Allemagne.
Et certes, à ce moment, les Juifs de Ratisbonne avaient besoin d’un protecteur puissant. De nouveau, un grave péril menaçait leur tranquillité. Un évêque récemment élu, Henri, d’une implacable intolérance, s’entendit avec le duc Louis, autre ennemi des Juifs, pour amener leur ruine ou leur conversion. Pour réaliser leur plan, ils s’assurèrent le concours du pape et de quelques membres influents du Conseil de la bourgeoisie, et eurent recours aux services de deux misérables Juifs renégats. L’un d’eux, Peter Schwarz, publia contre ses anciens coreligionnaires d’odieux réquisitoires, et l’autre, Hans Bayol, dirigea les plus graves accusations contre le vieux rabbin Israël Bruna, affirmant que cet homme lui avait acheté et avait ensuite égorgé un enfant chrétien de sept ans. Cette accusation pouvait entraîner la peine capitale pour Bruna. Du reste, ce rabbin était un de ces malheureux que la destinée se plait à accabler de ses coups. Quand l’empereur Frédéric réclama les impôts dus à la couronne par la communauté de Ratisbonne, que le duc Louis les revendiqua, de son coté, et que le Conseil de la ville hésita à se prononcer entre les ’deux, l’empereur fit incarcérer Israël Bruna pour qu’il contraignit la communauté, sous peine d’excommunication, à donner au souverain