recours à un moyen qu’ils avaient vu réussir dans d’autres pays, ils accusèrent les juifs de meurtres rituels. C’est ainsi qu’ils répandirent le bruit qu’aux environs de Salamanque un Juif avait arraché le cœur à un enfant chrétien, et que, dans une autre localité, un Juif avait coupé des morceaux de chair sur le corps d’un enfant. Sous la pression de l’opinion publique, les juges firent emprisonner les inculpés. À la suite d’une enquête sérieuse, ordonnée par le roi, qui connaissait la source et le mobile de ces accusations, le tribunal proclama l’innocence des Juifs. Mais leurs ennemis n’en persistèrent pas moins dans leur dire, accusant les juges de corruption, le roi de partialité, et dénonçant l’intervention des nouveaux chrétiens en faveur de leurs anciens coreligionnaires.
Parmi ces ennemis, se distinguait, par sa violence et son acharnement, un moine franciscain, Alfonso de Espina, prédicateur à Salamanque, qui avait acquis une certaine notoriété en accompagnant comme confesseur le tout-puissant ministre Alvaro de Luna jusqu’au lieu d’exécution. Ce moine attaquait avec virulence les Juifs et leurs protecteurs par la parole et la plume. D’abord, il tonna contre eux du haut de la chaire. Quand il vit que ses prédications n’étaient pas suffisamment efficaces, il écrivit en latin, vers 1459, un libelle haineux contre les hérétiques, les Juifs et les musulmans, sous le titre de Fortalitium fidei, Forteresse de la foi. C’est un ramassis de toutes les absurdités, de toutes les calomnies, de toutes les fables inventées par les ennemis des Juifs. Dans ce réquisitoire, il demande l’extermination pure et simple des hérétiques et des musulmans. Il se montre plus clément à l’égard des Juifs, exigeant seulement, à l’exemple de Duns Scot et de Capistrano, qu’on leur enlève les jeunes enfants pour les élever chrétiennement. Roi, noblesse, clergé, il reproche à tous, avec la plus amère véhémence, leur bienveillance pour les Juifs, et, pour produire une plus profonde impression sur la foule, il affirme que, grâce à la protection du souverain, les Juifs peuvent impunément égorger des enfants chrétiens et profaner des hosties. Un apostat, Pedro de la Caballiera, de l’illustre famille juive Benveniste de la Caballiera, publia également un libelle de ce genre, sous le titre de Colère du Christ contre les Juifs.