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Dounasch prirent naturellement parti pour leur maître, et la lutte continua assez longtemps, ardente et passionnée, entre les élèves des deux chefs d’école. Ces polémiques, regrettables à certains égards, eurent cependant un excellent résultat, elles contribuèrent à polir la langue hébraïque et à la rendre plus riche et plus souple.

Outre la poésie et l’enseignement de la grammaire hébraïque, Hasdaï protégea également l’étude du Talmud. On se rappelle que Moïse ben Hanok, parti de Sora pour recueillir des subsides en faveur de l’académie de cette ville, avait été emmené comme esclave à Cordoue et s’y était révélé talmudiste remarquable. Hasdaï prit Moïse sous sa protection. Le moment était, d’ailleurs, favorable pour créer un enseignement talmudique en Espagne. À l’instar des Arabes espagnols, désireux d’éclipser leurs coreligionnaires de Bagdad, les Juifs espagnols s’efforçaient d’organiser une école talmudique à Cordoue et de lui donner un grand éclat, au détriment de l’académie de Sora. Moïse fut placé à la tête de cette école et reconnu comme seule autorité religieuse. C’est à lui qu’étaient dorénavant soumises les questions rituéliques, dont la solution était demandée auparavant aux académies de Babylone. De tous les points d’Espagne et même de l’Afrique, on vit affluer des disciples à Cordoue. Hasdaï fit venir des exemplaires du Talmud de la ville de Sora, où ils étaient devenus inutiles par suite de la décadence de l’académie, pour les distribuer parmi les élèves. Cordoue devint la Sora de l’Andalousie, et Moïse ben Hanok eut en Espagne la même importance qu’autrefois Rab en Babylonie. Muni du simple titre de juge (dayyan) ou rabbin, il avait les mêmes prérogatives qu’un gaon, donnant, paraît-il, par l’imposition des mains, l’ordination aux rabbins, expliquant la Loi, jugeant en dernier lieu les procès juifs et étant autorisé à excommunier les membres récalcitrants des communautés. Ces prérogatives furent attribuées plus tard à tous les rabbins d’Europe.

C’est ainsi que l’Espagne devint peu à peu le centre du judaïsme. Elle dut cette situation privilégiée à quelques circonstances favorables, mais les Juifs espagnols avaient su aider le hasard par leur activité, leur intelligence et leur libéralité. Ils firent tout leur possible pour rester à la tête du mouvement intellectuel juif. La large aisance de la communauté de Cordoue lui assignait, du reste, un