leur interprétation personnelle leur faisait découvrir dans la Bible, ils accomplissaient maintenant des pratiques qui, à leurs yeux, ne pouvaient avoir d’autre valeur que celle d’avoir été établies par des autorités religieuses du temps passé. Bien plus que les rabbanites, ils s’appuyaient sur la tradition. Les descendants des fiers maîtres des études bibliques n’étaient plus que des élèves médiocres, obligés de recourir au savoir des rabbanites pour comprendre l’Écriture Sainte.
Un autre fait, survenu à cette époque dans la Turquie, montre également combien le caraïsme était resté immobile dans son engourdissement. Un collège caraïte avait déclaré qu’il est permis d’allumer dans la journée du vendredi des lumières pour le vendredi soir, pour que l’on ne soit pas obligé de passer cette soirée de fête dans l’obscurité. Bien que, d’après le principe caraïte, tout particulier puisse s’autoriser de l’interprétation individuelle d’un verset pour abolir un ancien usage ou une ancienne pratique, cette réforme rencontra quand même (vers 1460) une sérieuse opposition. De là, des discussions et des anathèmes. Les caraïtes étaient également encore en désaccord, à cette époque, sur le moment précis où commencent les fêtes. Ces dissentiments étaient un mal héréditaire, pour lequel il n’existait aucun remède. Conscients de leur faiblesse et de leur ignorance, les caraïtes de Turquie eurent, du moins, le mérite de reconnaître la supériorité des rabbanites et de ne plus se déclarer adversaires irréconciliables du judaïsme talmudique.
Un phénomène qui est vraiment surprenant, c’est qu’en dépit de la situation précaire des Juifs d’Allemagne, en dépit des angoisses, des tourments et des persécutions qui ne leur laissaient pas un instant de répit, les études talmudiques reprirent dans ce pays un tel essor qu’elles attirèrent des disciples des plus lointaines communautés dans les écoles d’Erfurt, de Nuremberg, de Ratisbonne et de Prague, et que les rabbins formés dans ces établissements étaient partout estimés pour leur savoir. Capsali, chef religieux de la Turquie, avait également reçu son instruction en Allemagne. On retrouvait chez les talmudistes de ce pays la pénétrante perspicacité des tossafistes, jointe à l’érudition solide et étendue des écoles de Ramerupt, de Sens et de Paris. Parmi les