Au point de vue juif, la théologie d’Albo ne satisfait pas l’esprit. Après avoir accepté comme point de départ la doctrine chrétienne du salut, elle est amenée à exiger la foi, dans le sens chrétien du mot, comme condition principale de ce salut, et à faire jouer aux prescriptions du judaïsme le même rôle que les sacrements, tels que le baptême, la communion, etc., jouent dans le christianisme.
Quoique prédicateur comme Albo, son jeune contemporain Joseph ibn Schem Tob mettait plus de méthode dans son argumentation. Au grand regret, sans doute, de son père fanatique et partisan résolu de la Cabale, qui regardait la philosophie comme une science pernicieuse, Joseph étudia avec ardeur la doctrine aristotélicienne telle que l’avait comprise Maïmonide. D’après lui, les connaissances philosophiques aident l’homme, et surtout l’Israélite, à accomplir sa vraie destinée ; car, à son avis, le Juif qui, après s’être familiarisé avec la philosophie, pratique sincèrement sa religion, est plus apte à atteindre le but supérieur qui lui est assigné que celui qui accomplit machinalement les préceptes de son culte. Pour Joseph ibn Schem Tob, la doctrine du Sinaï est venue combler une lacune de la philosophie, à laquelle elle est, du reste, supérieure, parce qu’elle enseigne que la béatitude de l’homme consiste dans la faculté que possède l’âme de survivre au corps. Cette béatitude, le judaïsme dit que ses adeptes s’en rendent dignes en accomplissant strictement les pratiques de leur religion. Pour ce point particulier, Joseph ibn Schem Tob est, en partie, d’accord avec Albo. Lui aussi prétend que les lois religieuses ont un caractère sacramentel, tout en insistant moins sur la doctrine du salut. Il affirme même que ces lois n’ont pas de but connu, et il leur attribue jusqu’à un certain point une signification mystique.
Les auteurs de tous ces ouvrages polémiques et philosophiques de la première moitié du XVe siècle ne les écrivirent point parce qu’ils avaient des loisirs ou qu’ils y étaient poussés par leur caprice ; ils y furent contraints par la plus dure des nécessités, pour défendre leur patrimoine moral et religieux. Si le judaïsme ne s’était point fortifié en dedans et n’avait énergiquement repoussé les attaques injustes du dehors, il aurait risqué de périr.