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examiner une question qui embarrassait Jérôme, il l’écartait comme étrangère au programme.

La discussion traînait ainsi depuis soixante jours, sans qu’un seul des représentants juifs parût encore disposé à se convertir. Ils s’affermissaient, au contraire, dans leurs convictions par la lutte même. Le pape, irrité, changea alors ses moyens d’attaque. Sur son ordre, Jérôme s’en prit le soixante-troisième jour au Talmud, l’accusant de contenir des horreurs de toute sorte, des blasphèmes, des hérésies et des choses immorales, et demandant que ce livre fût condamné. Pour atteindre plus facilement son but, il fit un recueil de toutes les fantaisies et de toutes les singularités qu’il put découvrir dans l’immense océan du Talmud, ajoutant même, par ignorance ou par méchanceté, de prétendues citations qui ne se trouvent nullement dans l’ouvrage incriminé. Ainsi, il prétendit que, d’après le Talmud, il est permis de frapper ses parents, de blasphémer Dieu, d’adorer des idoles et d’être parjure, pourvu qu’on ait fait annuler d’avance, le jour de l’Expiation, les serments qu’on pourrait prêter dans le courant de l’année. Cette calomnie avait déjà été mise en avant par Nicolas Donin. Naturellement, Jérôme répéta aussi l’imputation absurde, inventée par Alphonse de Valladolid, que les prières journalières des Juifs soutiennent des malédictions contre les chrétiens. Enfin il soutint que tous les passages du Talmud relatifs aux judéo-chrétiens c’est-à-dire à des renégats, s’appliquent aux chrétiens en général, mensonge qui fut répété ensuite à travers les siècles par tous les ennemis des Juifs et eut de terribles conséquences.

À ces diverses accusations, les représentants du judaïsme opposèrent d’abord des réfutations sans réplique pour tout esprit non prévenu. Mais on les harcela tellement de questions qu’à la fin ils se divisèrent en deux groupes. D’accord avec la majorité de ses collègues, Don Astruc Lévi déclara par écrit que les aggadot incriminées du Talmud n’ont aucune autorité et n’imposent nulle obligation religieuse. Pour sauver le corps, ils sacrifièrent un membre. Mais Joseph Albo et Don Vidal protestèrent contre cette déclaration. Eux, ils se soumettaient même à l’autorité des aggadot, avec cette réserve que les passages cités par Jérôme ne devaient pas être pris à la lettre. Ainsi le pape et ses acolytes