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était poète et chanta en de beaux vers castillans la naissance, impatiemment attendue, de l’héritier du trône de Castille. Du reste, pendant le règne de Henri III, qui fut pour les Juifs comme une accalmie entre deux orages, la civilisation juive eut encore en Espagne quelques représentants remarquables.

Profiat Duran réussit, on ne sait par quels moyens, à se faire pardonner son abjuration par ses anciens coreligionnaires et à se maintenir en Espagne ou à Perpignan ; il eut également la bonne fortune de n’être pas persécuté par les chrétiens pour son exposition ironique de leurs dogmes. Ses œuvres sont assez nombreuses. Il commenta le Guide de Maïmonide et quelques travaux d’Ibn Ezra, composa des ouvrages sur les mathématiques et le calendrier, et écrivit l’histoire des persécutions subies par les Juifs depuis le XIIIe siècle. Mais son meilleur livre est sa grammaire hébraïque.

Son contemporain Hasdaï Crescas avait une intelligence d’une envergure plus ample que la sienne. Penseur profond, il savait s’élever au-dessus des détails d’un problème pour n’en voir que l’ensemble. Déjà avancé en âge et le cœur torturé par le spectacle des violences commises envers les Juifs et par le chagrin d’avoir vu périr son fils dans un massacre, il résolut d’étudier dans un vaste ouvrage les différents côtés du judaïsme, ses pratiques comme ses doctrines, et de montrer que les divers éléments de cette religion, qui s’étaient peu à peu désagrégés, devaient rester réunis pour se compléter les uns les autres. Ce plan témoigne autant en faveur de sa remarquable érudition que de la netteté de son esprit. Il ne put malheureusement pas le réaliser, car la mort semble l’avoir surpris quand il eut achevé la partie philosophique ou l’introduction de cet immense travail.

Dans cette introduction, Hasdaï Crescas étudie d’abord les fondements de la religion en général : l’existence de Dieu, son omniscience, la Providence, le libre arbitre, la raison d’être de l’univers ; puis il examine les doctrines particulières du judaïsme, ses enseignements relatifs à la création du monde, à l’immortalité de l’âme et au Messie. Son esprit net et lucide lui fit découvrir rapidement les points faibles de la philosophie aristotélicienne, telle que la comprenait le moyen âge. Aussi l’admirait-il moins que ses