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Yohanan fut d’abord insuffisamment appuyé par ses amis dans ses revendications contre Astruc. Mais bientôt les communautés se révoltèrent contre les agissements d’Astruc et l’ingérence de Meïr, de Vienne, dans leurs affaires. Elles étaient surtout irritées de voir Astruc confier presque partout les fonctions rabbiniques à des parents. Pour mettre fin à une situation qui aurait pu devenir grave pour le judaïsme français, Yohanan sollicita l’intervention de Hasdaï et de Crescas. Les deux a illustrations de la Catalogne n, comme on les appelait, se prononcèrent en faveur de Yohanan. Celui-ci ne put malheureusement pas jouir longtemps de son triomphe, car l’expulsion des Juifs de France était proche.

Cette fois, l’orage partit de l’Espagne. Il éclata avec une telle violence qu’il semblait vouloir détruire d’un seul coup tous les juifs du pays. Mais ils étaient établis si solidement en Espagne, ils y avaient jeté des racines si profondes qu’il fallut les efforts continus d’un siècle tout entier pour les en arracher. Le premier acte de ce drame sanglant eut, en effet, lieu vers la fin du XIVe siècle, mais le dénouement ne se produisit qu’à la fin du siècle suivant.

Il faut dire que les Juifs d’Espagne contribuèrent eux-mêmes pour une large part à attirer le malheur sur leurs tètes. Sans doute, les grands seuls méritaient les reproches que leur adressaient leurs ennemis de chercher sans cesse à se faufiler à la cour et auprès des personnages influents, de s’enrichir par l’usure et de se pavaner en public, couverts de vêtements de soie, mais tous les Juifs espagnols, sans exception, eurent à supporter les conséquences de cette légèreté et de ces imprudences. Des Juifs mêmes se plaignaient de l’égoïsme et de l’immoralité de leurs coreligionnaires riches, qui ne songeaient qu’à agrandir leur fortune et à augmenter leurs dignités, sans avoir une pensée pour Dieu. — La plupart de nos grands, dit le prédicateur Salomon Alami dans son Miroir moral, qui fréquentent les cours royales et sont préposés au Trésor, sont fiers de leur situation et de leurs richesses, mais oublient les pauvres. Ils élèvent des palais, sortent dans des carrosses somptueux, couvrent leurs femmes et leurs filles, avec une prodigalité princière, d’or, de perles et de pierres précieuses. Indifférents pour le judaïsme, ils ne savent pas être