Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/287

Cette page n’a pas encore été corrigée

furent accusés d’avoir empoisonné les sources, les fontaines et même l’air, pour faire disparaître d’un coup les chrétiens de tous les pays.

Pour empoisonner tous les chrétiens, il aurait fallu une entente entre tous les Juifs. Qui donc aurait créé cette entente ? Quelle personnalité aurait possédé une autorité suffisante pour imposer sa volonté à toutes les communautés juives de l’Europe ? On ne se laissait pas arrêter pour si peu. Comme on croyait les Juifs d’Espagne en possession de ressources considérables et jouissant d’une très grande influence auprès de tous leurs coreligionnaires d’Europe, ce furent eux qu’on accusa d’être les instigateurs de ce complot diabolique. L’ordre d’empoisonner toute la chrétienté serait parti de Tolède. La foule, aveuglée par le fanatisme et la terreur, nommait même celui qui aurait été chargé de transmettre le mot d’ordre aux diverses communautés et de leur apporter le poison : c’était Jacob a Paskate. Venu de Tolède à Chambéry, en Savoie, il aurait envoyé de cette dernière ville toute une bande d’émissaires juifs pour accomplir partout l’œuvre de mort. Ce Jacob aurait été aidé dans son entreprise par le rabbin Peyret, de Chambéry, et un juif riche du nom d’Aboget. On connaissait même la composition du poison. Il était préparé par des sorciers judéo-espagnols et formé tantôt de chair de basilic, tantôt d’un mélange d’araignées, de crapauds et de lézards, tantôt enfin de cœurs de chrétien pétris avec de la pâte d’hostie.

Ces fables, inventées par des ignorants et des méchants, et démesurément grossies par l’imagination populaire, trouvaient créance non seulement auprès de la foule, mais aussi auprès des classes élevées. Les tribunaux faisaient sérieusement des enquêtes pour découvrir les auteurs de ces crimes, et, dans ce but, ils avaient recours à la mesure extrême employée si fréquemment par la chrétienté du moyen âge pour connaître la vérité, ils soumettaient les inculpés à la torture.

Ce fut dans le sud de la France, où la peste noire sévissait déjà au commencement de l’année 1348, que l’on répandit d’abord la légende de l’empoisonnement des puits. Dans cette région, une communauté juive tout entière, hommes, femmes et enfants, furent brûlés en un seul jour, avec des rouleaux de la Loi (au milieu