eurent lieu au nom de la foi. Un des Armleder prétendait qu’il avait reçu du ciel l’ordre d’infliger aux Juifs la Passion de Jésus et de venger son supplice par leur mort. Armés de fourches, de haches, de piques et de fléaux, cinq mille paysans accomplirent d’épouvantables carnages parmi les Juifs de l’Alsace et des bords du Rhin, jusqu’en Souabe. Pour échapper aux coups de leurs ennemis, de nombreux Juifs se tuèrent eux-mêmes ; bien des parents égorgèrent leurs enfants. La protection de l’empereur resta inefficace ou se manifesta trop tard. À la fin, la force armée parvint à s’emparer d’un des Armleder ; l’empereur le fit décapiter.
Vers le même temps, des massacres analogues eurent lieu en Bavière, inspirés par la cupidité. Pour permettre à leurs administrés et à eux-mêmes de s’acquitter sans bourse délier de leurs dettes envers les Juifs et de s’approprier m même temps les richesses de leurs créanciers, les conseillers municipaux de la ville de Deckendorf accusèrent les Juifs d’avoir profané une hostie. Quand ils jugèrent que la foule était suffisamment surexcitée, ils mirent à exécution le plan qu’ils avaient secrètement combiné entre eux. Au jour qu’ils avaient fixé (30 septembre 1337), quand la cloche de l’église eut donné le signal, le chevalier Hartmann von Deggenburg, accompagné de nombreux cavaliers, entra dans Deckendorf et tomba par surprise, avec tous les habitants, sur les Juifs sans armes, qui furent pillés, tués et brûlés. Pour perpétuer le souvenir du miracle qui s’était produit, raconte la légende, quand les Juifs eurent percé l’hostie, on éleva une église consacrée au Saint-Sépulcre ; elle devint un lieu de pèlerinage. Le poinçon dont les Juifs se seraient servis pour profaner l’hostie ainsi que l’hostie elle-même furent précieusement placés comme reliques sous un globe de verre ; aujourd’hui encore, ils sont exhibés comme sujets d’adoration pour les fidèles.
De Deckendorf les désordres se propagèrent à travers la Bavière, la Bohême, la Moravie et l’Autriche. Les victimes succombèrent par milliers. Seuls les bourgeois de Vienne et de Ratisbonne défendirent les Juifs contre la fureur de la populace. L’empereur, qui avait alors des démêlés avec le pape et le roi de France, laissa faire. Son parent Henri, duc de Bavière et du Palatinat,