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Salomon ben Adret et à l’aversion d’Ascheri pour toute science autre que celle du Talmud, les études profanes étaient tombées chez les Juifs espagnols dans un complet discrédit. Les spéculations philosophiques surtout leur inspiraient une véritable horreur. Aux yeux des hommes sincèrement pieux, elles conduisaient nécessairement à l’incrédulité, et les faux dévots les déclaraient tout simplement abominables. La Cabale, de son côté, avait contribué à obscurcir les idées et à égarer les esprits. Aussi fallait-il du courage pour oser soutenir les droits de la pensée, qui ne trouvaient plus que de très rares champions. Parmi ceux qui, malgré tout, se permirent, à cette époque, de soumettre les croyances du judaïsme à un certain examen, on peut citer Isaac Pulgar, d’Avila, David ibn Albila, du Portugal, Joseph Kaspi, de la Provence, et surtout Lévi ben Gerson, le plus remarquable de tous.

Lévi ben Gerson ou Léon de Bagnols, appelé aussi Léon l’Hébreu (né en 1288 et mort vers 1345), est plus connu sous le nom de Gersonide. Il naquit à Orange, dans une famille de savants, et il compta parmi ses aïeux ce Lévi de Villefranche qui, indirectement, amena la proscription des recherches scientifiques. Quoique Ben Adret eût menacé d’excommunication quiconque s’adonnerait à ces recherches, Gersonide s’y livra dès sa jeunesse et acquit ainsi des connaissances variées. Il n’avait pas encore trente ans quand il commença à écrire un important ouvrage philosophique. C’était un esprit sérieux, habitué à approfondir les questions et à ne jamais rester dans le vague. En astronomie, il a fait un certain nombre d’observations que des hommes compétents ont jugées assez sérieuses pour les faire servir de base à leurs calculs. Il avait, du reste, inventé un instrument qui facilitait ces observations. Et lui, l’homme de science, l’esprit mathématique, il était tellement enthousiasmé de cette invention qu’il la chanta dans un petit poème hébreu, assez obscur. Il écrivit aussi des ouvrages de médecine et découvrit plusieurs remèdes. Il était également considéré comme un talmudiste remarquable, et comme il avait la passion de l’ordre et de la clarté, il composa un livre de méthodologie pour la Mishna.

Maestro Léon de Bagnols, comme on l’appelait en sa qualité de médecin, était établi tantôt à Orange ou à Perpignan, tantôt à