et richesses, et, arrivé tout près de la soixantaine, il se convertit au christianisme. Le disciple sceptique d’Aristote et d’Averroës fut attaché comme sacristain à une église importante de Valladolid. Ainsi muni d’une riche prébende, il pouvait vivre largement.
Mais cela ne lui suffisait pas. Pour rendre manifeste aux yeux des chrétiens la sincérité de sa conversion, il témoignait à ses anciens coreligionnaires une haine violente. Familiarisé avec la littérature juive, il fit ressortir tous les passages qui pouvaient prêter à équivoque, et il multipliait ses accusations contre les Juifs et le judaïsme. Il composa un grand nombre d’écrits où tantôt il attaque avec acharnement la religion de ses aïeux, tantôt il défend le christianisme contre les objections des Juifs. Comme il maniait moins facilement la langue espagnole que l’hébreu, c’est dans cette dernière langue qu’il outrageait le judaïsme. Il eut même l’audace de dédier un de ses ouvrages à un de ses anciens amis juifs, Isaac Pulgar ! Ce dernier, qui était un écrivain habile et un excellent polémiste, lui répondit par un poème tout imprégné de la plus fine et plus mordante ironie ; il riposta encore dans d’autres ouvrages à ses accusations contre le judaïsme. C’est qu’à cette époque les Juifs d’Espagne n’acceptaient pas encore en silence les injures qui leur étaient adressées. Un autre auteur juif, peu connu, écrivit également contre Abner. Il se produisit ainsi une polémique violente sur la valeur respective du judaïsme et du christianisme.
Abner, autrement dit Alphonse de Valladolid, fit un pas de plus. Pour rendre les Juifs odieux au roi Alphonse XI, il les accusa, comme l’avait, du reste, déjà fait saint Jérôme, de proférer, dans leurs prières, des imprécations contre Jésus et ses adorateurs. Appelés sans doute par le roi à se justifier, les représentants des Juifs de Valladolid affirmèrent que ces imprécations ne s’adressaient nullement au fondateur du christianisme et à ses adeptes. Sur la demande d’Abner, qui promit de prouver dans un débat avec les Juifs que son accusation était fondée, le roi de Castille invita les délégués de la communauté de Valladolid à discuter publiquement cette question avec leur ennemi. Cette controverse eut lieu en présence de fonctionnaires et de dominicains. Devant