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terminés, le monarque fit connaître sa résolution par un décret dans lequel il déclarait que son père, égaré par de funestes conseils, avait banni les Juifs, mais que, convaincu des sentiments de tolérance du clergé, et à l’exemple de son aïeul saint Louis, qui avait d’abord expulsé les Juifs pour les rappeler ensuite, il avait obéi aux vœux unanimes de son peuple en autorisant les Juifs à rentrer en France. C’est ainsi que les Juifs français purent rentrer dans leur patrie.

Quand, un an plus tard, après la mort de Louis X, son frère Philippe V dit le Long lui eut succédé, il confirma et même étendit les privilèges des Juifs, les protégeant tout spécialement contre les attaques du clergé et décrétant que les fonctionnaires royaux seuls auraient le droit de confisquer leurs biens et leurs livres. En dépit de cette ordonnance, des ecclésiastiques firent brûler à Toulouse deux charretées d’exemplaires du Talmud. Mais qu’étaient ces autodafés en comparaison des malheurs qui allaient assaillir les Juifs de France !

Philippe V avait, en effet, conçu le projet d’organiser une nouvelle croisade, et quoique cette entreprise fût blâmée par tous les gens clairvoyants et même par le pape Jean XXII, le deuxième des pontifes qui résidèrent à Avignon, elle surexcita le fanatisme de la foule. Un jeune berger, à l’imagination mystique, raconta partout qu’une colombe s’était placée tantôt sur sa tête, tantôt sur son épaule, et que, quand il voulut s’en emparer, elle avait pris la forme d’une belle jeune fille et lui avait ordonné de réunir une troupe de croisés, l’assurant qu’ils triompheraient des infidèles. Encouragés par une aventure aussi merveilleuse et enflammés par les excitations d’un prêtre dépravé et d’un bénédictin, une troupe de quarante mille pastoureaux se forma dans le nord de la France (1320) et courut de ville en ville, bannières déployées, et proclamant partout qu’elle traverserait la mer pour délivrer le Saint-Sépulcre.

À l’instar de leurs prédécesseurs, ces nouveaux croisés débutèrent dans leur pieuse entreprise par le massacre des Juifs. Se laissèrent-ils entraîner par l’appât du pillage ou obéirent-ils, comme on le raconte, au désir de se venger d’un Juif qui se serait moqué de leurs rodomontades ? Nul ne le sait. Ce qui est certain,