il sera connu, et en nourriront leur esprit fait dire Moïse de Léon à Simon ben Yohaï. Ces paroles se réalisèrent. Le Zohar, il est vrai, n’apportait aux cabalistes aucune vérité nouvelle, mais il présentait les idées déjà connues sous une forme saisissante et dans des termes propres à frapper l’imagination. Les dialogues entre Simon ben Yohaï et ses disciples ou le pasteur fidèle sont parfois d’une grande force dramatique et de nature à agir profondément sur les esprits. Par-ci, par-là, se trouvent de courtes prières, animées d’un souffle puissant, qui fait résonner les plus mystérieuses fibres de l’âme.
C’est ainsi que se répandit peu à peu, parmi les Juifs, un livre que la Cabale, inconnue un siècle auparavant, plaçait à côté et parfois au-dessus de la Bible et du Talmud. Le Zohar offrait cet avantage de s’adresser au sentiment et à l’imagination et de fournir ainsi une sorte de contrepoids à l’étude aride de la jurisprudence talmudique. Mais cet avantage était chèrement payé par le mal que ce livre causa au judaïsme en y introduisant de grossières superstitions. Il enseignait même certaines doctrines qui paraissaient favorables au dogme chrétien de la Trinité !
Malheureusement, à cette époque, les soi-disant philosophes n’avaient pas plus de valeur que les mystiques. On sait que Maïmonide avait essayé d’expliquer tout le judaïsme par la raison, assignant des motifs philosophiques ou historiques aux diverses prescriptions religieuses et interprétant la Bible d’après ses propres théories. Ce système, imité des alexandrins, qui voit des allégories dans les Écritures Saintes, l’Aggada et les cérémonies religieuses, fut poussa très loin au XIIIe siècle. Le récit de la création et l’histoire des patriarches n’étaient plus que de simple : lieux communs philosophiques ; certains esprits plus hardis allaient même jusqu’à émettre des idées dont la conséquence immédiate aurait été la destruction du judaïsme. À force d’expliquer le but et la raison d’être des lois religieuses, ils arrivaient, à l’exemple des allégoristes d’Alexandrie, à cette conclusion dangereuse qu’il suffisait de bien se pénétrer des motifs de ces lois et qu’on n’était pas obligé de les observer.
À la tête de ces allégoristes à outrance se trouvait Lévi ben Hayyim, de Villefranche, près de Perpignan, né en 1240 et mort eu