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d’anormal ne se produisit. On raconte que, pour toute particularité, ces naïfs remarquèrent de petites croix attachées à leurs vêtements ; ce qui les aurait fort effrayés. Il est possible que les membres sensés de la communauté leur aient, en effet, joué ce tour, soit par pure plaisanterie, soit pour les avertir jusqu’où pourrait les conduire une trop grande crédulité. Quelques-uns d’entre eux auraient, en effet, adopté le christianisme ; d’autres, effrayés pie l’apparition inexpliquée de toutes ces petites croix, seraient devenus la proie d’une incurable hypocondrie. On ne sait ce que devinrent les prophètes d’Ayllon et d’Avila. D’ailleurs, toutes ces jongleries messianiques ne sont importantes que comme signes caractéristiques d’une époque troublée.

Un personnage qui eut sur le judaïsme une action autrement profonde et funeste que les deux cabalistes Aboulafia et allatif et les pseudo-Messies, ce fut Moise de Léon. Quoique ses agissements eussent été déjà démasqués par ses contemporains, il ne réussit pas moins à faire adopter comme une œuvre d’une valeur extrême un écrit cabalistique qui, aux yeux des initiés, jetait un brillant éclat sur la doctrine secrète. Moïse ben Schem Tob de Léon (né à Léon vers 1250 et mort à Arevalo en 1305), qu’il ait voulu tromper par ambition ou par conviction, est, en tout cas, un trompeur, et, par conséquent, bien inférieur, au point de vue de l’honnêteté, à Aboulafia, qui, du moins, était sincère dans sa folie. Demi savant, comprenant à peine le Talmud et ne possédant que des connaissances superficielles, Moise de Léon avait une seule qualité, mais importante, celle-là, il savait admirablement faire valoir le peu qu’il avait jamais appris. En outre, il avait l’imagination féconde et était très habile à établir des rapports entre les idées et entre les versets bibliques qui paraissaient les plus dissemblables.

De caractère aventureux, d’une prodigalité sans pareille et, par conséquent, obligé de se demander chaque jour comment il pourvoirait le lendemain à ses besoins et à ceux de sa femme et de sa fille, Moïse de Léon eut l’ingénieuse idée de mettre à profit la faveur dont jouissait alors la Cabale pour s’en créer une source permanente de revenus. Il publia d’abord des livres cabalistiques sous son propre nom, mais ils ne lui rapportèrent ni argent, ni gloire. Il se dit alors qu’en plaçant les enseignements de la Cabale