qu’il propageait, et à l’aide de laquelle lui seul pouvait comprendre les mystères de la Tora. Car, selon lui, c’est le fait d’un homme léger que de s’arrêter au sens superficiel des Écritures Saintes et d’observer machinalement les prescriptions religieuses. Les esprits réfléchis, au contraire, découvrent de profondes vérités dans la valeur numérique des lettres et les différentes combinaisons faites avec les lettres des noms de Dieu.
Telle était, pour Aboulafia, la Cabale supérieure, qu’il opposait à la Cabale vulgaire, superficielle, polythéiste, admettant une espèce d’assemblage de divinités. Malgré l’absurdité de ses théories, il réunit cependant des partisans autour de lui. Fier de ses premiers succès, il se rendit en Italie, où il espérait trouver encore de plus nombreux élèves. Il manifesta tout d’abord sa présence dans ce pays par la publication d’une prétendue prophétie (1279) ; il proclama aussi que Dieu lui avait parlé. Il conçut ensuite l’étrange projet de convertir le pape Martin IV au judaïsme (1281). Cette singularité lui coûta cher. Il fut incarcéré à Rome et gardé longtemps en prison ; il n’échappa au supplice du feu que parce que Dieu, comme il le disait lui-même, lui avait donné deux bouches. Il voulait dire par là qu’il avait su se justifier devant le pape ; peut-être affirma-t-il même au pape que lui aussi enseignait le dogme de la Trinité.
Remis en liberté, il partit pour la Sicile. Là, il ne se contenta plus de son rôle de prophète, il déclara être le Messie et exposa dans un écrit que Dieu lui avait révélé ses secrets et annoncé la fin de l’exil d’Israël ainsi que le commencement de la délivrance messianique. Cette période bienheureuse s’ouvrirait en l’année 1290.
Grâce à sa vie d’ascète et à l’obscurité voulue de ses prophéties, peut-être aussi grâce à son audace, Aboulafia en imposa à bien des Siciliens, qui crurent à ses oracles et se disposèrent à partir pour la Palestine. Mais les hommes sensés furent moins crédules et demandèrent des renseignements à Salomon ben Adret sur le prétendu Messie. Dans la réponse qu’il adressa à la. communauté de Palerme, Ben Adret traita Aboulafia de demi savant et d’homme dangereux et coupable. Irrité de l’opposition qu’il rencontrait, Aboulafia attaqua, à son tour, ses adversaires, auxquels il reprochait leur ignorance et leur aveuglement. Les chrétiens croient