Sanche, des délégués de toutes les communautés juives se réunirent à Huete, et, là, le roi leur indiqua la somme totale que les habitants juifs de chaque province seraient tenus, dorénavant, de verser au Trésor ; il laissait aux délégués le soin de faire la répartition entre les communautés et les familles (1290). Cette répartition engendra parfois des dissensions dans les communautés, car des membres, et souvent des plus riches, étaient quelquefois exemptés de tout impôt par le roi, ce qui aggravait la charge des autres.
D’après un recensement opéré à cette époque, la Castille comptait alors près de 850.000 Juifs, qui payaient au Trésor pour divers impôts 2.780.000 maravédis. Les Juifs formaient alors en Castille plus de quatre-vingts communautés importantes, dont la plus considérable était celle de Tolède ; avec quelques petites localités voisines, elle comptait soixante-douze mille membres. On trouvait encore des communautés juives importantes à Burgos (29.000 âmes), Carrion (24.000 âmes), Cuenca, Valladolid et Avila.
Si la situation des Juifs était assez bonne, à cette époque, en Castille, elle était très satisfaisante dans le jeune royaume de Portugal, sous le règne des rois Alphonse III (1248-1279) et Denis (1279-1325). Protégés contre les lois oppressives de l’Église, les Juifs n’étaient pas obligés, comme dans d’autres contrées, de payer la dîme au clergé catholique ou de porter la rouelle, ils pouvaient même s’élever aux plus hautes dignités. Le roi Denis avait un ministre juif, nommé Juda, qu’il avait placé comme grand-rabbin (arraby moor) à la tête du judaïsme portugais. À diverses reprises, l’Église avait essayé de soumettre également les Juifs du Portugal au droit canon, mais elle s’était heurtée contre les sentiments d’équité et de tolérance des souverains. À la fin, pour donner une apparence de satisfaction au clergé, le roi Denis consentit à laisser introduire dans son royaume la législation restrictive forgée par la papauté contre les Juifs, mais il négligea le plus souvent de la faire appliquer.