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Se référant à la Constitution des papes, qui garantissait aux Juifs toute liberté dans leurs affaires intérieures, et faisant observer que le Talmud était pour eux un livre absolument indispensable, plus précieux que leur vie même, Yehiel refusa d’abord de prendre part à la controverse. Il ne s’y décida que sur les instances de la reine mère et après qu’elle eut affirmé que la vie d’aucun Juif n’était en danger. Nicolas Donin voulut alors lui faire jurer qu’il répondrait selon sa conscience et qu’il n’essaierait pas d’échapper à des questions embarrassantes par des subterfuges. Mais sur l’observation de Yehiel qu’il n’avait jamais prêté serment et qu’il ne voulait pas invoquer inutilement le nom de Dieu, la reine mère l’en exempta.

La discussion tourna autour de ces deux points : le Talmud contient-il des blasphèmes contre Dieu et des assertions contraires à la morale ? Contient-il des blasphèmes contre Jésus ? Après avoir réfuté divers arguments produits contre le Talmud, Yehiel convint que ce recueil renfermait, en effet, des attaques contre un Jésus, fils de Panthéras, mais il affirma que ce personnage n’avait rien de commun avec Jésus de Nazareth. Yehiel était de bonne foi dans son affirmation, le passage prêtant très facilement à l’erreur. Il ajouta que ni saint Jérôme ni les autres Pères de l’Église qui avaient connu le Talmud ne lui avaient jamais reproché d’outrager le christianisme, et que c’était par pure malveillance, et dans le désir de se venger, que Nicolas Donin avait dirigé ces accusations contre ses anciens coreligionnaires et leur code religieux.

Pendant deux jours, Yehiel réfuta les arguments de Donin, et pendant ces deux jours, toute la communauté de Paris pria et jeûna, pour que Dieu détournât d’elle le danger qui la menaçait. Le troisième jour, on fit venir Juda de Melun, qui avait été tenu jusque-là au secret pour l’empêcher de s’entendre avec Yehiel ; il se trouva d’accord avec Yehiel sur les principales questions. On ne fit pas comparaître les deux autres rabbins.

Un instant, les Juifs purent espérer que l’orage serait écarté de leur tète ; ils étaient parvenus à gagner à leur cause un prélat influent, qui leur avait promis de les faire entrer de nouveau en possession des livres confisqués. Malheureusement, ce prélat mourut, et sa mort fut considérée, ou présentée au roi par les moines,