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satisfait de voir une classe d’hommes encore plus opprimés que lui, ne se contenta bientôt plus d’avilir les Juifs, il les regarda peu à peu comme des parias, qu’on pouvait assommer comme des chiens enragés. On leur imputait toute espèce de crimes. Les accusations de meurtre rituel se produisaient contre eux tantôt dans une ville tantôt dans une autre, et ces odieuses calomnies étaient énoncées avec une telle conviction qu’elles trouvaient créance auprès des chrétiens les mieux intentionnés. Un jour, on découvrit entre Lauda et Bisehofsheim, dans le pays de Bade, le cadavre d’un chrétien. On accusa immédiatement les Juifs de cette mort, et, sans rechercher si cet homme avait été réellement assassiné, peuple et clergé se précipitèrent sur les Juifs pour les massacrer. On n’eut l’idée d’instruire l’affaire devant la justice qu’après ce carnage. Un procès fut intenté à huit membres des plus respectés et des plus pieux de la communauté (2 et 3 janvier 1235). Soumis à la question, ils avouèrent probablement tout ce qu’on voulut, pour échapper à la torture, et furent exécutés. Les Juifs du voisinage demandèrent alors au pape Grégoire IY de leur accorder un privilège qui les préservât contre la fureur de la populace et les préjugés des juges. Pour éviter le retour de pareilles tueries, Grégoire IX rendit une bulle (3 mai 1235) par laquelle il ordonna l’application de la Constitution d’innocent III. On était alors si peu habitué à voir obéir un dignitaire quelconque à un sentiment de justice en faveur des Juifs qu’on accusa le pape de s’être laissé acheter par eux. La bulle papale resta cependant sans effet. à force d’être enseignée dans les écoles et prêchée dans les églises par les dominicains, l’intolérance entra dans les mœurs, obscurcit les intelligences les plus éclairées et s’insinua dans les plus nobles cœurs.

Un des exemples les plus probants de l’action néfaste exercée par les préjugés de l’époque sur les meilleurs esprits nous est fourni par Frédéric II, le dernier empereur de la dynastie des Hohenstaufen et l’homme le plus remarquable et le plus libéral de son siècle. Plus Sicilien qu’Allemand, ce souverain aimait la science et protégeait les savants avec une munificence très grande. Quand l’université de Naples fut créée, il fit traduire de l’arabe des ouvrages philosophiques et astronomiques et, entre autres