Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien plus encore que la poésie, l’exégèse biblique déclina et perdit tout caractère scientifique à l’époque qui suivit la mort de Maïmonide. Philosophes et cabalistes ne cherchaient pas, en effet, à comprendre le sens véritable des Saintes Écritures, mais à l’altérer et à le dénaturer, pour faire entrer de force leurs propres idées dans le texte sacré. Pendant longtemps, David Kimhi resta le dernier exégète et grammairien sérieux. Nahmani aussi, en commentant la Bible, montre qu’il a un sentiment juste de la langue hébraïque, mais, pour lui, l’interprétation biblique n’était pas un but, mais un moyen : elle lui servait à combattre les opinions de ses adversaires. C’est ainsi que se flétrissait et s’effeuillait peu à peu la brillante couronne que les penseurs et les poètes juifs de l’Espagne avaient tressée, par leurs œuvres remarquables, dans la période précédente.


CHAPITRE IX


Controverses religieuses. — Autodafé du Talmud
(1236-1270)


Pendant que cabalistes et philosophes argumentaient les uns contre les autres et introduisaient la scission dans le judaïsme, la semence empoisonnée jetée à pleines mains par la papauté dans un terrain fertile commençait à donner ses fruits malfaisants. Les persécutions contre les Juifs qui, jusque-là, avaient été des faits isolés, se propagèrent avec la rapidité d’une épidémie, et d’année en année elles devinrent plus sanglantes. Il est vrai qu’Innocent III n’avait eu nullement en vue l’extermination des Juifs, il avait voulu seulement les humilier. Il lui avait semblé nécessaire, pour la gloire de l’Église, que toute la société du moyen âge se liguât contre eux pour les écraser, que princes et clergé, bourgeois et paysans, fussent réunis contre eux pour les contraindre à vivre dans l’abjection. Mais le bas peuple,