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Dans l’esprit de ses fondateurs, la Cabale devait former contraste avec la philosophie trop simple des maïmonistes. Ceux qui, dans leur profonde piété, considéraient chaque mot de la Bible et du Talmud comme une vérité divine, ne pouvaient se résoudre à ne voir dans le judaïsme que le reflet de la philosophie aristotélicienne. On pouvait, il est vrai, se dispenser de réfléchir sur le problème de Dieu et sur le judaïsme et accepter tout avec une naïve crédulité. C’est ce que firent les rabbins de l’Allemagne et du nord de la France ; c’était la méthode des tossafistes. Mais les rabbins de l’Espagne et de la Provence, imprégnés de l’esprit philosophique, ne se contentaient pas d’une solution aussi facile. À leurs yeux, le judaïsme aurait perdu sa haute valeur, s’ils n’avaient pu y découvrir des pensées profondes et mystérieuses. Pas plus que les maïmonistes, les antimaïmonistes ne voulaient admettre que les prescriptions de la Bible fussent des ordres arbitraires d’un despote ; pour eux, c’étaient des lois qui toutes avaient leur raison d’être et leur signification. Non seulement chaque verset biblique, mais aussi chaque sentence du Talmud devait avoir, à leur avis, un sens profond. Mais comment trouver ce sens ? En ayant recours à la Cabale.

Cette doctrine enseigne une théosophie, sinon neuve, du moins originale, qui, s’élevant de conception en conception, arrive bientôt dans la région du vague et de l’incompréhensible, où ne règnent plus que confusion et obscurité. Partant d’un principe qui était admis par tous les penseurs du temps, elle en tire des conclusions téméraires, en contradiction complète avec le point de départ. C’est ainsi que l’unité devient multiplicité, que le spiritualisme se matérialise et que rempli des croyances se changent en grossières superstitions. À son origine, la Cabale admettait les principes suivants : Dieu est élevé au-dessus de tout, même au-dessus de l’être et du penser. On ne peut donc pas dires de lui qu’il parle, agit, pense, veut ou même a des intentions. Tous ces attributs, qui qualifient l’homme, supposent des limites, tandis que la divinité, étant parfaite, n’a pas de limites. La Cabale donne donc à Dieu le nom de En-Sof, l’illimité, l’infini. Dans son ubiquité insaisissable, Dieu est caché, voilé, impossible à connaître et, par conséquent, en quelque sorte non existant. Car ce que la raison ne