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attaques des sceptiques. On avait commencé par dénier toute autorité aux décisions des gaonim et des docteurs du Talmud, puis peu à peu on avait mis en doute le caractère sacré de la Bible et le fait même de la Révélation.

Le principal représentant du scepticisme juif de cette époque était le rabbanite Hivi Albalchi, de la ville de Balch, dans l’ancienne Bactriane. Dans un de ses ouvrages, il s’attaqua à la Bible et fit deux cents objections contre la possibilité d’une Révélation divine. Malgré leur hardiesse, les opinions de Hivi trouvèrent des partisans, même de son temps, et furent enseignées dans certaines écoles juives. Saadia, qui avait déjà écrit en Égypte contre Hivi, s’efforça particulièrement dans son « Traité des Croyances et des Opinions » de prouver l’inanité des objections de son adversaire contre la Révélation, en même temps qu’il réfutait les arguments invoqués contre le judaïsme par les chrétiens et les musulmans.

Pendant que Saadia, banni et excommunié, composait son important et remarquable ouvrage philosophique, les circonstances étaient devenues plus favorables pour lui. Au cruel et cupide khalife Kahir avait succédé un souverain honnête et juste, Alradhi, dont le vizir, Ali ibn Isa, estimait beaucoup Saadia. Le gaon Kohen-Cédék était mort en 936 et avait été remplacé par un homme paisible, Cémah ben Kafnaï. L’exilarque David n’avait donc plus qu’un seul partisan sérieux, Aaron ibn Sardjadou. La réputation de Saadia avait, au contraire, tellement grandi que dans un nouveau procès qui venait d’éclater une des parties avait chargé le gaon exilé de la représenter contre l’exilarque David, défenseur de l’autre partie. Irrité de ce choix, qu’il considérait comme une injure personnelle, l’exilarque fit maltraiter celui qui avait fait appel à l’honnêteté et au talent de Saadia. Cet acte de violence produisit une vive émotion, on se convainquit de la nécessité de tenter un rapprochement entre le gaon et l’exilarque, et, pour réussir dans cette tentative, on invoqua l’intervention d’une personne influente de Bagdad, Kasser ben Aaron, beau-père d’ibn Sardjadou.

Kasser accepta la mission de paix qu’on lui confiait et parvint tout d’abord à réconcilier son gendre avec Saadia. Après bien des pourparlers, l’exilarque consentit enfin, à son tour, à faire la paix. Une fois ce résultat obtenu, Kasser demanda à Saadia d’oublier