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ce qui lui fut reproché de bien des côtés. Aussi fut-il obligé de publier un traité spécial sur la résurrection (1191). Il admet, dit-il dans cet opuscule, la résurrection des corps, mais elle n’aura lieu, selon lui, qu’à l’aide d’un miracle, compatible, du reste, avec l’idée d’un univers qui a été créé à un certain moment. Il se plaint, dans ce petit traité, de n’avoir pas été compris et d’être obligé de se justifier devant des sots et des femmes ; il s’y exprime, du reste, avec une certaine amertume, qui contraste avec le ton calme de ses autres ouvrages.

Le Guide produisit une grande sensation parmi les savants mahométans, mais cette œuvre fut généralement blâmée, à cause des attaques qu’elle contient contre l’islamisme et la philosophie d’alors, et aussi pour ses idées trop hardies. Abdellatif, le représentant de l’orthodoxie mahométane parmi les musulmans de l’Orient, celui-là même qui s’était rendu en Égypte pour faire la connaissance de Maïmonide (en l’année 1192), exprima son estime pour l’auteur, mais condamna l’œuvre. Voici ce qu’il dit : Moïse, fils de Maïmoun, est venu me voir ; j’ai reconnu en lui un homme de très grand mérite, mais dominé par le désir d’occuper le premier rang et de plaire aux puissants. À côté d’ouvrages de médecine, il a également composé pour les Juifs un livre de philosophie, que j’ai lu. À mon avis, c’est un mauvais livre, qui menace d’ébranler les fondements de la religion par les arguments mêmes qui semblent destinés à les consolider.

Nulle part, les idées de Maïmonide ne trouvèrent un sol aussi favorable et ne furent accueillies avec autant d’empressement que dans les communautés juives du midi de la France. L’aisance des habitants, les franchises municipales et la lutte des Albigeois contre l’Église avaient éveillé l’esprit de critique dans cette région, où, auparavant, Ibn Ezra, les Tibbonides et les Kimhides avaient introduit les éléments de la civilisation juive. Impuissants à concilier par eux-mêmes le judaïsme avec les résultats de la science, les savants de cette contrée étudiaient avec ardeur les travaux de Maïmonide, où ils trouvaient la solution tant désirée, et qui se distinguaient par leur clarté et leur profondeur. Savants laïques et talmudistes s’éprirent du même enthousiasme pour Maïmonide et manifestèrent leur admiration pour ce grand philosophe. Depuis