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La science juive, chassée de l’Espagne musulmane, s’acclimata rapidement et prit un grand essor dans la Castille et l’Aragon. Deux hommes, tous les deux de Tolède, donnèrent, à cette époque, un nouvel éclat à la civilisation juive en Espagne : c’étaient Abraham ibn Daud et Abraham ibn Ezra. Différents de caractère et d’esprit, ils aimaient tous les deux d’un amour ardent la science et le judaïsme. Ibn Daud (né vers 1110 et mort en 1150) était familiarisé avec les diverses connaissances humaines de son temps ; il s’occupait tout particulièrement d’histoire, science qui jusque-là avait été peu cultivée chez les Juifs espagnols. Sans être un esprit profond et original, il comprenait rapidement et avait le talent d’exposer les questions avec clarté ; c’était un vulgarisateur. Passionné pour les problèmes les plus élevés de la raison humaine, il estimait les recherches philosophiques par-dessus toutes les sciences, parce qu’elles conduisaient seules, selon lui, à la véritable connaissance de Dieu. Il exposa ses idées dans un ouvrage arabe intitulé « la Foi supérieure n, où il combattait ceux de ses coreligionnaires qui marquaient de la défiance envers la philosophie. Quelques-uns de nos contemporains, dit-il, qui ont étudié très superficiellement les sciences profanes, se déclarent impuissants à concilier la raison et la foi. Il est déjà arrivé, en effet, que la spéculation a nui à la foi. De là cette opinion du vulgaire que la philosophie est l’ennemie de la religion. Mais le judaïsme, loin de condamner les spéculations de la raison, les prescrit au contraire comme un devoir.

D’après Abraham ibn Daud, le but principal de la philosophie pst d’enseigner aux individus comme aux peuples la pratique de la morale, but qui lui est commun avec le judaïsme. Cette religion cherche, en effet, à rendre les hommes vertueux. Ibn Daud divise ensuite les devoirs religieux des Juifs en cinq classes. En premier lieu, il faut croire à un Dieu unique et l’aimer. Après, vient l’amour de la justice, la bonté pour ses semblables, même pour ses ennemis. La troisième classe comprend les obligations du chef de la famille envers sa femme, ses enfants et ses serviteurs, obligations réglées par l’affection et l’équité. Arrivent ensuite les devoirs du citoyen envers son pays et ses concitoyens : amour du prochain, compassion pour les faibles et les déshérités, charité.