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d’humilité, qui, aujourd’hui encore, après de nombreuses années de liberté, n’a pas complètement disparu.

Ces persécutions eurent pour cause indirecte les catastrophes qui éclatèrent alors en Asie et en Afrique. Pendant que les chrétiens s’oubliaient dans une fausse sécurité à Jérusalem et dans les autres petites principautés qu’ils avaient fondées en Asie, le héros turc Noureddin se préparait à les chasser de ces régions. il s’était déjà emparé de la ville importante d’Édesse, quand les croisés s’aperçurent de l’imminence du danger et implorèrent le secours de l’Europe. C’est alors que fut prêchée en France et en Allemagne une nouvelle croisade, et qu’on surexcita le fanatisme des chrétiens contre les Juifs.

En France, le roi Louis VII, en expiation de certains actes, prit lui-même la croix. Il était accompagné, dans son expédition, par la reine Éléonore et ses dames d’honneur, qui transformèrent le camp des croisés en une cour d’amour. L’abbé de Clairvaux, saint Bernard, homme d’une grande bonté et d’une éloquence entraînante, prit également la croix. Pour grossir l’armée des croisés, le pape Eugène III dispensa, par une bulle, tous ceux qui prenaient part à la croisade, de payer aux Juifs l’intérêt de leurs dettes. Cette mesure équivalait à une véritable spoliation. L’abbé Bernard, qui, d’habitude, se gardait bien de participer à tout acte déloyal, fut invité par le pape à parler de cette bulle dans ses sermons. Un autre abbé, Pierre de Cluny, alla plus loin : À quoi bon, écrivit-il à Louis VII, s’en aller dans des pays lointains à la recherche des ennemis du christianisme, quand nous laissons les Juifs, qui sont pires que les Sarrasins, outrager en paix parmi nous nos plus saintes pratiques. Car le Sarrasin, tout en niant le dogme de l’incarnation, admet du moins que Jésus est né d’une Vierge, tandis que le maudit Juif rejette toutes nos croyances. Fidèle à la loi qui défend le meurtre, je ne vous demande pas d’ordonner le massacre de ces blasphémateurs ; Dieu ne veut pas qu’ils soient exterminés, ils doivent errer à travers le monde comme Caïn, chargés de honte et d’opprobre, et mener une vie mille fois pire que la mort. Leur existence est vile, misérable et troublée par de continuelles frayeurs. Il ne faut donc pas les tuer, mais leur infliger un châtiment qui soit en