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où résidait le gouverneur romain et qui était aussi odieuse à la nation judaïque que Rome même. Comme la splendeur de Césarée datait de la chute de Jérusalem, les Judéens croyaient que sa destruction marquerait le relèvement de la ville sainte.

Le principal héros de l’insurrection fut Barcokeba. Cet agitateur inspira une terreur profonde à Rome, qui trembla devant lui comme elle avait tremblé jadis devant Brennus et Hannibal. On ne sait absolument rien de la famille et de la jeunesse de ce personnage, si vilipendé et si méconnu. Comme tous les héros de révolution, il surgit subitement comme la personnification la plus éclatante des aspirations et des haines du peuple, répandit la terreur autour de lui et se dressa de toute sa hauteur au milieu du mouvement insurrectionnel. Son véritable nom était Bar-Koziba. Ce nom lui venait d’une ville de Koziba, et n’était nullement un sobriquet déshonorant, signifiant le fils du mensonge. Ce fut Akiba qui l’appela Barcokeba. Plein d’enthousiasme pour ce vaillant et infatigable champion de l’indépendance nationale, il s’écria : « Voici le roi Messie », et il lui appliqua le verset : « Koziba s’est levé radieux comme un astre (kokab) dans la maison de Jacob. » La valeur immense de Barcokeba affermit ce docteur dans son espérance de voir l’orgueil de Rome brisé, Israël briller d’un nouvel éclat, et le Messie régner dans son éblouissante splendeur. Il cita, à ce sujet, le verset du prophète Haggée (ii, 21) : « Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, je renverserai le trône des riches et je détruirai la puissance des païens. » Mais tous ne partageaient pas ses rêveries religieuses. Un docteur, Johanan ben Torta, lui dit : « Akiba, l’herbe aura poussé de tes mâchoires avant que ne vienne le Messie. » Toutefois, le respect et l’admiration d’Akiba pour Barcokeba suffirent pour faire briller le chef de l’insurrection d’une auréole divine et lui assurer une autorité indiscutable sur tous les Judéens.

Un auteur chrétien raconte que Barcokeba, pour tromper la foule, faisait semblant de cracher du feu en soufflant de sa bouche de l’étoupe enflammée. Mais les sources juives ne mentionnent rien des prétendus miracles que le roi Messie aurait opérés ; elles parlent seulement de son étonnante force corporelle, et elles rapportent qu’il pouvait rejeter avec les genoux les pierres que les