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on pouvait déjà prévoir qu’elle serait implacable. Il y avait cependant dans le peuple des hommes perspicaces, amis de la paix, qui paraissent avoir eu conscience des dangers que présentait alors un soulèvement. À la tête de ce parti se trouvait Josua. On le fit venir en toute hâte afin qu’il apaisât, par son autorité et son éloquence, les passions surexcitées de la foule. Josua s’adressa au peuple dans un langage qui agit toujours profondément sur l’esprit des masses ; il leur raconta un apologue dont il put appliquer la moralité à leur propre situation. « Un jour, dit-il, un lion dévora une proie ; un os lui demeura dans le gosier. Saisi de frayeur, il promit une forte récompense à celui qui lui retirerait cet os. Une cigogne, au long cou, se présenta, guérit le lion et demanda son salaire. Le lion lui répondit en raillant : « Estime-toi heureuse d’avoir retiré ta tête de la gueule du lion. » Nous aussi, continua Josua, nous devons remercier le ciel d’avoir échappé sains et saufs aux mains du Romain, et ne pas exiger de lui l’accomplissement de sa promesse. » Ce fut par ces sages paroles et par des discours analogues qu’il calma momentanément les assistants. Mais le peuple se sépara avec l’intention de s’insurger plus tard, et il se prépara à la révolte avec une ténacité digne d’un plus heureux résultat.

Josua était, à l’époque d’Adrien, le principal chef des Judéens, il paraît même avoir occupé la dignité de patriarche, car Gamaliel mourut probablement dans les premières années du règne d’Adrien. On fit au Nassi des funérailles pompeuses qui attestèrent la haute considération dont il jouissait auprès du peuple. Josua et Éliézer avec leurs disciples prirent le deuil. Aquilas, le prosélyte, se conforma à l’antique usage observé aux obsèques des rois, et brûla des vêtements et des meubles d’une valeur de 70 mines (environ 600 francs). Aux reproches qu’on lui adressa sur sa prodigalité, il répondit : « Gamaliel vaut mieux que cent rois qui n’ont rien fait pour l’humanité. » Toute cette pompe contrastait singulièrement avec la simplicité des vêtements mortuaires que Gamaliel lui même s’était fait préparer avant sa mort. En ce temps-là, les morts étaient habillés de vêtements précieux, et les dépenses qui en résultaient pesaient si lourdement sur les gens peu fortunés que souvent les parents abandonnaient le mort, sans lui ren-