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La Rome républicaine, pas plus que la Rome impériale, n’avait jamais connu des victoires aussi éclatantes que celles que remporta Trajan. Les campagnes de cet empereur furent une suite de triomphes. Lorsqu’il prit ses quartiers d’hiver à Antioche (hiver 115-116) pour y recevoir les hommages des vaincus, Trajan put considérer la guerre comme terminée. Au printemps suivant, il se remit en campagne pour briser les dernières résistances de l’ennemi et faire de ces contrées le boulevard de l’Inde, dont il rêvait la conquête. Mais le triomphateur fut troublé dans sa joie par la défection des peuples qu’il avait soumis entre le Tigre et l’Euphrate. Cette défection avait été préparée par les Judéens, qui organisèrent la révolte dans une grande partie de l’empire romain. Les Judéens de la Babylonie, comme ceux de l’Égypte, de la Cyrénaïque, de la Libye et de l’île de Chypre, conçurent le projet hardi de secouer le joug romain. Poussés comme par une force irrésistible, que les auteurs romains qualifient d’esprit de folie, les Judéens de ces vastes territoires, si éloignés l’un de l’autre, prirent les armes ; ils montrèrent au vainqueur que la défaite n’avait ni brisé leur énergie, ni abattu leur courage, et qu’ils étaient supérieurs à tous ces peuples en décadence qui acceptaient avec une lâche résignation la domination de Rome. Cette unanimité entre tous les Judéens fait supposer qu’ils obéissaient à un plan prémédité et étaient dirigés par des chefs vaillants et actifs. La Judée elle-même se prépara à se soulever, et elle organisa l’insurrection dans les régions voisines, sur l’Euphrate et en Égypte (automne 116 et hiver 117). Depuis la chute de l’État judaïque, une nouvelle génération avait grandi ; elle avait hérité de l’esprit ardent des zélateurs et conservé un souvenir très vif de l’indépendante de ses pères. L’espérance des Tannaïtes, exprimée en toute circonstance sous cette formule : Le temple sera bientôt reconstruit, avait entretenu dans l’âme de la jeunesse l’amour de la liberté. Les élèves n’avaient pas désappris dans les écoles le maniement des armes, ni oublié les vertus guerrières de leurs ancêtres. L’arrogance des autorités romaines contribua probablement à faire éclater la révolte. D’après une légende, la femme de Trajan, Plotine, aurait mis au monde un enfant le 9 du mois d’Ab, qui était un jour de deuil pour les Judéens en mémoire de la