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disculper, il ne craignit pas d’affirmer que, dès le début de la guerre, il avait tenu pour Rome, c’est-à-dire trahi sa patrie.

Josèphe publia (en 93 ou 94) un quatrième ouvrage, qui n’efface pas totalement, il est vrai, l’acte de trahison dont il s’était accusé lui-même pour conserver les bonnes grâces de Domitien, mais qui montre son profond attachement pour sa race et sa religion. Ce livre lui a valu la reconnaissance de ses coreligionnaires. Il réfuta avec un grand courage et une profonde conviction, dans deux livres intitulés Contre les Grecs ou Contre Apion, les fausses accusations dirigées contre le judaïsme et la nation juive, et il fit valoir avec chaleur la supériorité de la morale judaïque. Ces deux ouvrages furent spécialement écrits pour convertir au judaïsme les gentils instruits. Josèphe y mentionne avec une satisfaction évidente ce fait heureux que de nombreux païens grecs et romains vénéraient le Dieu d’Israël et suivaient ses lois. Il avait dédié ces livres à son ami Épaphrodite, un Grec très lettré, et aux compagnons de ce dernier, qui avaient marqué leur prédilection pour le judaïsme. Il est à croire que Josèphe a aussi défendu verbalement la cause de sa religion pour faire des prosélytes. Comme il demeurait dans le palais impérial, il a sans doute été en relations avec Flavius Clémens.

Lorsque Domitien fit condamner à mort et exécuter les prosélytes juifs et son propre cousin Flavius Clémens, il ordonna en même temps d’ouvrir une enquête contre Josèphe, accusé d’avoir attiré les coupables au judaïsme ; Josèphe paraît même avoir été exécuté. Mais les patriotes juifs ressentaient pour le célèbre historien une haine si ardente qu’ils ont gardé le silence sur sa mort, qui, peut-être, fut celle d’un martyr. Même les quatre docteurs qui ont laissé des traditions orales sur la mort de Flavius Clémens et se sont entretenus souvent avec Josèphe, pendant leur séjour à Rome, ne parlent pas de sa fin. Domitien paraît aussi avoir demandé au Sénat de décréter une persécution générale contre les Judéens de l’empire romain, mais il tomba sous le poignard des conjurés, et sa mort subite mit fin à ses projets sanguinaires.

Le successeur du cruel Domitien fut le doux et honnête Nerva. Cet empereur était juste, sage et affable ; il lui manquait cepen-