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de la dynastie des Flaviens pour les partisans Judéens de l’empire romain avait disparu. Titus avait déjà paru oublier ce qu’il leur devait ; il cacha même au fond de son cœur son amour pour la princesse juive Bérénice. Lorsqu’il fut devenu le maître absolu de l’empire, Bérénice était retournée auprès de lui pour lui rappeler ses promesses de mariage ; mais elle était venue trop tôt ou trop tard. Titus commençait alors à jouer son rôle d’empereur vertueux, il voulait montrer aux Romains qu’il avait rompu complètement avec son passé et qu’il se résignait à renoncer à ses anciennes amours. Il renvoya donc Bérénice de Rome, mais, comme on se le disait tout bas dans les sphères élevées, il la congédia à contrecœur. L’histoire de Bérénice est l’histoire même des rapports de la Judée avec Rome ; celle-ci, au commencement, a prodigué aux Judéens ses faveurs, elle a fini par les condamner à l’exil et à la misère. On ignore combien d’années la princesse juive survécut à l’humiliation qu’elle dut subir. Titus ne se montra guère plus reconnaissant envers le frère de Bérénice, Agrippa II ; il est vrai qu’il lui laissa la principauté ou le royaume qu’il avait eu en possession jusque-là, mais il ne l’agrandit pas, comme l’avait fait son père. Le troisième Flavien, Domitien, n’accorda rien à Agrippa ; il n’avait, du reste, aucune raison de le favoriser. À la mort d’Agrippa (vers l’an 92), Domitien confisqua ses biens et les réunit à la province de Syrie. Cet empereur qui, comme Titus, avait promis, à son avènement au trône, de ramener l’âge d’or, se montra pendant son règne aussi débauché et aussi sanguinaire que Tibère, Caligula et Néron. Il était digne de son peuple et de son époque, dont Juvénal disait « qu’il n’était pas facile de s’abstenir d’en parler dans ses satires. » Les Judéens souffrirent amèrement de ce règne sanglant. La taxe judaïque fut perçue avec la plus grande rigueur et au mépris de tout sentiment de pudeur. Mais les prosélytes endurèrent des souffrances bien plus cruelles, ils eurent à supporter toutes les fureurs d’un despotisme sans frein. Ceux qui étaient dénoncés comme judaïsants étaient traînés devant le tribunal, condamnés comme irréligieux, dépouillés de leurs biens, envoyés en exil et quelquefois même punis de mort. Tacite raconte dans son langage d’une si vigoureuse concision que, pendant les dernières années de Domitien, « les exécutions n’avaient pas lieu par