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traduction et la rendit encore plus littérale et plus servile, sans songer qu’elle serait absolument incompréhensible pour les lecteurs grecs. La fidélité littérale de cette traduction est devenue proverbiale ; elle s’étend jusqu’aux particules qui, en hébreu, avaient une double signification, et que le traducteur voulait rendre également en grec. Pour Aquilas, la version grecque devait être une sorte de gaze à travers laquelle on pourrait lire le texte hébreu. Cette version se répandit rapidement parmi les Judéens de langue grecque et supplanta la traduction d’Alexandrie. Même les judéo-chrétiens, qui étaient choqués des nombreuses altérations de la version des Septante, se servaient pour l’office du travail d’Aquilas.

À ce moment eut lieu à Rome un événement qui produisit une profonde sensation ; ce fut la conversion au judaïsme de Flavius Clémens. Clémens était un cousin de l’empereur Domitien, membre du sénat et ancien consul ; sa femme était également une proche parente de l’empereur. Ses deux fils avaient été nommés Césars par Domitien ; l’un d’eux était donc l’héritier présomptif du trône. Quelle perspective éblouissante pour les Judéens ! Un parent de Titus, de celui qui avait détruit le temple, allait peut-être relever le sanctuaire de ses ruines ! Clémens avait tenu secret son attachement au judaïsme ; mais sa conversion ne resta pas cachée aux Juifs de Rome ni aux chefs religieux de la Judée. Dès que cette nouvelle fut connue d’eux, les quatre principaux membres du Synhédrin, le patriarche Gamaliel, son collègue Éléazar ben Azaria, Josua et Akiba se rendirent à Rome. Arrivés tout prés de la ville, ils entendirent le bruit et le grondement de la foule qui s’élevaient du Capitole ; ils songèrent alors avec une douleur amère au silence de mort qui régnait sur le mont sacré à Jérusalem, et ce contraste leur arracha des larmes. Akiba seul conserva toute sa sérénité et apaisa le chagrin de ses compagnons par ces paroles : « Pourquoi pleurer ? Si Dieu fait tant pour ses adversaires, que ne fera-t-il pas pour ses bien-aimés ! » À Rome, les Judéens et les prosélytes les reçurent avec les plus grands honneurs ; ils leur soumirent en même temps plusieurs questions religieuses. Les docteurs étaient malheureusement arrivés à un moment peu propice. Domitien exerçait alors son pouvoir avec une cruauté inouïe. La sympathie