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danger et resta fidèle à la doctrine judaïque. Et, de fait, les idées d’Akiba sur Dieu, sur la Providence, sur les devoirs de l’homme ici-bas sont d’une grande élévation et contrastent singulièrement avec les conceptions de la gnose. C’est ce docteur qui émit cette pensée si remarquable : « Une Providence gouverne le monde, l’homme est libre, l’univers est régi par la douceur, le mérite consiste dans l’action (et non pas seulement dans l’étude). » Chaque mot de cette profonde maxime renferme une attaque contre les idées erronées de cette époque.

Les Tannaïtes étaient assez perspicaces pour reconnaître les dangers résultant de la liberté d’examiner et de scruter les vérités supérieures du judaïsme, et ils prirent des mesures pour les écarter. Akiba, surtout, insista pour qu’on essayât d’arrêter le développement de cette doctrine qui conduisait à l’apostasie et à l’immoralité. Il déclara qu’il était imprudent d’expliquer devant le peuple le texte de l’histoire de la Création et de la description du char divin, et qu’il ne fallait interpréter ces passages que devant un petit nombre d’élus. Seuls ceux qui possédaient des connaissances suffisantes pour comprendre les allusions et les sous-entendus, et qui étaient âgés de plus de trente ans, pouvaient être initiés aux vérités supérieures. Pour proscrire les écrits anti-judaïques du milieu des Judéens, Akiba déclara que ceux qui les liraient encourraient le même châtiment que ceux qui nieraient la résurrection et l’origine divine de la Loi : ils n’auraient aucune part à la vie future. On supprima totalement les prières à double sens qui auraient pu paraître favorables aux idées des Minéens.

Toutes ces mesures contre les idées gnostiques et chrétiennes furent très efficaces ; grâce à elles, les conceptions du judaïsme sur Dieu, sur ses rapports avec le monde et sur les obligations morales de l’homme, conservèrent toute leur pureté. Les Tannaïtes, comme jadis les prophètes dans leur lutte contre le paganisme, eurent l’immense mérite de protéger le judaïsme contre l’infiltration de théories fausses et dangereuses. Stimulés par l’instinct de conservation, ils ont élevé une barrière entre les judéo-chrétiens et les Judéens et maintenu pures de tout alliage les doctrines judaïques ; ils ont ainsi affermi le judaïsme et lui ont donné une force de résistance qui lui a permis de rester debout