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diales. Un docteur de la Loi, Éliézer ben Hyrcanos, s’entretenait si fréquemment avec les judéo-chrétiens, et particulièrement avec un certain Jacob, de Kephar-Siknin, qu’il fut soupçonné d’appartenir lui-même à la communauté chrétienne et appelé à se justifier de cette accusation devant le procurateur romain. Un jour que Ben Dama, un neveu d’Ismaël, avait été mordu par un serpent, il voulut se faire guérir par ce même Jacob, au moyen d’une formule de conjuration prononcée au nom de Jésus. La conversion du judaïsme au christianisme était un fait qui ne causait nulle surprise et passait presque inaperçu ; il y avait probablement des familles juives dont certains membres professaient la foi judéo-chrétienne sans troubler aucunement la paix domestique. On raconte que Hanania, un neveu de Josua, s’était affilié à la communauté chrétienne de Capharnaüm ; son oncle qui, naturellement, blâma cet acte, le contraignit à cesser toute relation avec les chrétiens et, pour le soustraire à leur influence, il l’envoya en Babylonie.

Ces rapports pacifiques entre Judéens et judéo-chrétiens ne furent pas de longue durée. Il est, du reste, dans notre nature d’idéaliser peu à peu l’objet de notre adoration, et d’éprouver pour lui un enthousiasme d’autant plus vif qu’il se trouve plus éloigné de nous. C’est ce qui explique que les Ébionites ne se contentèrent pas longtemps de considérer Jésus comme un Messie, mais inconsciemment, presque malgré eux, ils se rapprochèrent de la doctrine pagano-chrétienne, et attribuèrent à Jésus des vertus divines et la puissance de faire des miracles. Cette nouvelle conception sépara de plus en plus les judéo-chrétiens du judaïsme, auquel cependant ils croyaient continuer à se rattacher. On vit ainsi se former de nombreuses sectes composées d’Ébionites et d’Hellènes, qui établirent une sorte de gradation allant depuis les judéo-chrétiens, sévères observateurs de la loi de Moïse, jusqu’aux Antitaktes, qui méprisaient cette loi. Tout près des Ébionites se tenaient les Nazaréens. Eux aussi admettaient le caractère obligatoire de la loi judaïque, mais ils expliquaient que Jésus était né d’une façon surnaturelle d’une vierge et du Saint-Esprit, et ils le douaient d’attributs divins. D’autres allaient encore plus loin, ils rejetaient en partie ou totalement les prescriptions judaïques.