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prètent les passages difficiles de la Thora d’après une règle traditionnelle ; ils n’autorisent à enseigner que ceux qui ont appris la manière d’expliquer le texte sacré. Aussi ont-ils tous un Dieu, une Loi, une espérance... Si nous n’imitons pas cet exemple, la parole de vérité se divisera chez nous en opinions différentes. Je ne parle pas ainsi comme prophète, mais comme un homme prévoyant qui aperçoit l’origine du mal. Quelques-uns des païens ont rejeté ma doctrine, qui est d’accord avec la Loi, pour suivre l’enseignement faux et grotesque d’un ennemi (Paul). » Ces paroles sont attribuées au second des apôtres, Simon Pierre. Les Ébionites, qui qualifiaient de fausses et de grotesque les prédications et les doctrines de Paul, donnèrent à cet apôtre un sobriquet qui, à leurs yeux, devait être un stigmate pour lui et ses partisans. Ils le surnommèrent Simon le Magicien, le regardant comme un magicien demi-juif (Samaritain) qui a ensorcelé le monde par ses paroles. Ils voulaient bien croire qu’il avait reçu le baptême, mais ils prétendaient que la mission d’apôtre ne lui avait pas été confiée par le successeur de Jésus et par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, mais qu’il avait essayé de l’acheter à prix d’argent en distribuant des aumônes à la communauté ébionite. Ils ajoutaient que sa tentative avait échoué et que Simon Pierre l’avait déclaré damné parce que son cœur était plein de méchanceté, d’amère jalousie et d’injustice. Ils se disaient l’un à l’autre et répétaient ces paroles aux croyants : « Est-il possible que Jésus soit apparu à l’apôtre des gentils, à celui qui propage des croyances contraires à la Loi ? » La doctrine de Paul, qui avait aboli la législation judaïque, était qualifiée par ses adversaires de licence effrénée, elle était comparée à celle de Balaam, ce faux prophète qui avait prêché l’idolâtrie et la débauche. Les chefs du parti pagano-chrétien leur répliquaient avec la même violence, leur témoignaient la même haine et peut-être une haine encore plus grande, car aux dissentiments religieux venait s’ajouter chez eux la profonde aversion que les Grecs et les Romains éprouvaient pour les Judéens, même après qu’ils fussent devenus chrétiens. Dans les communautés importantes, les deux partis formaient des groupes séparés et se tenaient à l’écart les uns des autres. Les épîtres que les chefs des diverses sectes chrétiennes avaient l’habitude d’envoyer aux com-