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une sorte de taxe personnelle, en remplacement de la contribution qu’ils versaient autrefois au trésor du temple, et cette mesure parut d’autant plus oppressive aux Juifs de Rome qu’elle les atteignit pour la première fois dans leurs droits et leur dignité de citoyens. Pour se soustraire à cet impôt, qui était une charge et une humiliation, de nombreux Judéens niaient leur origine judaïque. Mais, plus tard, le troisième empereur Flavien, le cupide et cruel Domitien, fit percevoir cette taxe avec la plus grande rigueur, et il ordonna d’examiner ceux qui déclaraient ne pas appartenir à la confession juive. La nécessité rendit les Judéens inventifs, et beaucoup d’entre eux employaient une ruse pour échapper à la taxe judaïque. Ils s’arrangeaient de façon à rendre le signe de l’alliance méconnaissable sur leur corps. L’autorité religieuse de la Palestine, le Synhédrin de Jabné, blâma, naturellement, d’une façon très sévère cette manière d’agir par laquelle ils rejetaient en quelque sorte l’alliance d’Abraham. Et voici qu’en ce moment même les disciples de Paul viennent enseigner que Jésus a aboli la circoncision comme toutes les autres lois, que les Judéens, même incirconcis, pourvu qu’ils aient la foi véritable, sont les vrais descendants d’Abraham, des élus, des prêtres, des princes ! Une doctrine si accommodante trouva sans doute de l’écho chez les Judéens de Rome et de l’Asie Mineure, et les rapprocha du christianisme.

Pendant les dix premières années qui suivirent la destruction du temple, le christianisme avait donc acquis un développement et un prestige remarquables. Il ne recrutait plus uniquement ses partisans parmi les humbles et les ignorants, il se propageait aussi dans la classe plus élevée des lettrés et des patriciens. Dans toutes les villes importantes de l’empire romain, et particulièrement à Rome même, s’étaient organisées des communautés chrétiennes qui se considéraient comme distinctes des Judéens, mais étaient confondues avec ces derniers par les Romains. Dès ce moment, le christianisme ne fut plus un élément négligeable, il commença à exercer une influence sérieuse dans l’histoire.

Le christianisme avait opéré une heureuse transformation dans le monde païen et il aurait pu agir très utilement sur le judaïsme, mais il fut arrêté dans son action par les dissensions qui éclatè-