Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sance et de l’inefficacité de leurs doctrines en leur faisant adopter la croyance que le Messie était déjà arrivé. La nouvelle religion avait rencontré, dès sa naissance, les conditions les plus favorables à son développement. C’était pour elle un fait des plus heureux que Paul de Tarse, cet homme actif, remuant, passionné, d’abord son détracteur, fût devenu son partisan et son principal fondateur et lui frayât le chemin pour « pénétrer dans les rangs serrés de la gentilité. » Privée de l’appui de cet apôtre, la doctrine de Jésus, incomplète, mi-essénienne, adoptée par des disciples ignorants et des femmes de réputation douteuse, aurait promptement disparu. D’autres circonstances avaient encore favorisé le christianisme naissant. C’était d’abord la tiédeur et l’indifférence des Judéens hellénisants d’Alexandrie, d’Antioche et de l’Asie Mineure pour les rites et les prescriptions du judaïsme, c’était aussi la profonde aversion des gens vertueux, parmi les Grecs et les Romains, pour le culte impur du paganisme, et leur penchant pour la doctrine juive.

Ainsi, Judéens lettrés et païens de mœurs honnêtes adoptaient avec empressement le christianisme de Paul qui, par l’abolition de la loi du sabbat, des prescriptions alimentaires et, en particulier, du commandement de la circoncision, répondait complètement à leurs aspirations religieuses. Les Judéens trouvaient probablement assez étrange cette croyance à un Homme-Dieu, à un fils de Dieu, mais, pour les gentils, ce dogme servait précisément de transition entre le polythéisme païen et l’austère monothéisme juif. La destruction du temple et l’effondrement apparent de la nationalité judaïque aidèrent également à développer la nouvelle religion. Cette catastrophe avait laissé une profonde blessure dans le cœur des Judéens de la Palestine et du dehors, et les esprits faibles, ceux qui ne croyaient plus au rétablissement du sanctuaire et ceux qui avaient besoin d’un culte expiatoire, accueillirent avec satisfaction le dogme de la rédemption des péchés par la mort du Messie, dogme qui leur imposait peu de sacrifices et les réconciliait avec la gentilité. Ce qui favorisa tout particulièrement l’extension du christianisme, ce fut une mesure politique prise contre les Judéens par leurs vainqueurs. Un décret de Vespasien obligea tous les Judéens à payer aux autorités romaines