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a ainsi mis fin dans une certaine mesure aux discussions doctrinales. Ses contemporains étaient surpris et éblouis de ce système qui, tout en étant nouveau, paraissait remonter très haut. Tarphon ou Tryphon, un ancien docteur qui avait été autrefois supérieur à Akiba, lui déclara respectueusement : « Celui qui s’écarte de toi renonce au salut éternel, tu retrouves par ton interprétation ce que la tradition avait laissé tomber dans l’oubli. » Josua, son ancien maître, parla de lui avec admiration : « Plût au ciel que Johanan ben Zakkaï pût se lever de sa tombe et s’assurer combien était vaine sa crainte que quelque halaka ne disparût parce qu’elle ne pourrait pas être rattachée au texte sacré ; Akiba a trouvé des points d’appui pour toutes les halakot . » On reconnaissait que sans l’enseignement d’Akiba des lois nombreuses eussent été oubliées ou négligées, et l’on déclarait dans un mouvement d’admiration excessive que ce docteur a découvert dans la Thora des prescriptions que Moïse lui-même n’avait pas connues. Le Talmud rapporte à ce sujet une légende assez curieuse, qui est peut-être une raillerie dirigée contre la méthode d’Akiba. Moïse, raconte cette légende, surpris de voir certaines lettres de la Thora surmontées de petits traits, demanda à Dieu de lui en faire connaître la signification. Dieu lui répondit qu’après une longue série de siècles il y aurait un docteur du nom d’Akiba ben Joseph qui saurait découvrir dans ces traits de nouvelles prescriptions. Le prophète voulut alors voir cet illustre savant, il se rendit à l’école d’Akiba, mais il dut se placer au huitième rang et ne put pas saisir les paroles du docteur.

La méthode d’Akiba, dont l’application exigeait une intelligence souple et une rare pénétration d’esprit, avait été accueillie avec enthousiasme et avait favorisé le développement de la loi orale. Elle rencontra cependant des adversaires. C’est qu’elle obscurcissait le sens littéral de l’Écriture sainte, trouvait dans le texte autre chose que ce qu’y apercevait la saine raison, et imprimait à l’esprit cette tendance funeste, qui a caractérisé l’école des allégoristes d’Alexandrie, à chercher et à découvrir tout dans la Bible, excepté le sens simple et vrai du texte (Paschat). Aussi, l’exégèse rationnelle gardait de nombreux partisans, et ceux-ci combattirent vivement la système d’interprétation d’Akiba.

Akiba procura par sa méthode une autorité incontestée et une