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sait sur cette conviction que le style de la Thora diffère essentiellement du style de toute autre œuvre littéraire. Selon lui, les écrivains ordinaires ne se contentent pas d’employer les mots strictement nécessaires pour exprimer leur pensée, on rencontre dans leurs œuvres des tours de phrase, des figures de rhétorique, des répétitions, des ornements, en un mot, une certaine forme qui n’ajoute rien au sens, mais qui permet à la période de se développer avec une harmonie majestueuse et qui donne au style de la grâce et de l’élégance. La Thora, au contraire, ne sacrifie rien à la forme, tout y a sa signification, rien n’y est superflu, on n’y trouve pas un mot, pas une syllabe, pas une lettre, pas même un trait qui n’ait sa raison d’être. Chaque particularité de langage, chaque cheville, chaque signe renferme une allusion ou indique un sens spécial. Akiba alla beaucoup plus loin dans cette voie que son maître Nahum. Celui-ci n’avait interprété que certaines particules de la Bible, tandis que son disciple découvrait une signification particulière dans chaque élément du discours qui n’est pas absolument indispensable pour le sens. Akiba ajouta ainsi un grand nombre de règles d’explication et d’interprétation à celles de Hillel et de Nahum, et trouva dans la Thora de nouveaux points d’appui pour les lois traditionnelles. Une déduction faite conformément aux règles établies pouvait servir de prémisse à une nouvelle conclusion et devenir ainsi le point de départ d’une série indéfinie de raisonnements. Akiba appliquait sa méthode, quelles qu’en fussent les conséquences. Ainsi Nahum avait hésité à interpréter une particule du verset : « Tu craindras ton Dieu, » parce que cette interprétation, l’aurait amené à admettre qu’il était permis d’adorer encore un autre être que Dieu, ce qui aurait présenté de graves dangers à une époque où le christianisme attaquait l’unité absolue de Dieu. Nahum, pour éviter cette difficulté, était disposé à renoncer totalement à sa méthode. Akiba fit taire ses hésitations en lui démontrant que son système était applicable même dans ce cas particulier et que la particule indiquait qu’à côté de Dieu il était prescrit de vénérer encore sa sainte parole, la Thora.

Par sa méthode, Akiba a ouvert une voie nouvelle aux docteurs, il a établi sur une base solide la loi orale qui, comme il avait été dit, était suspendue par un fil et ne s’appuyait sur aucun texte, il