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cune pensée originale, ils s’en tinrent à des formules stériles. Ainsi, le caraïsme était sorti à peine de l’enfance qu’il portait déjà les signes de la vieillesse. Ses savants se consacrèrent tout particulièrement à l’exégèse biblique et à l’étude de la langue hébraïque, sans faire avancer cette science d’un seul pas. Un caraïte, Mosché Ben-Ascher (885), de Tibériade, scribe d’état, composa un traité sur la prononciation des voyelles et sur les accents, mais il n’avait aucune notion de la construction de la phrase hébraïque et ne connaissait qu’imparfaitement les formes de la langue. Aidé de son fils Ahron Ben-Ascher (vers 900), il créa la Massora, c’est-à-dire il indiqua les règles de l’orthographe de l’Écriture Sainte et réunit les diverses variantes de la Thora. Bien que cette Massora, composée d’après des manuscrits caraïtes, s’écarte souvent des indications que le Talmud et les manuscrits babyloniens donnent sur l’orthographe biblique, elle fut cependant admise par les rabbanites et fait encore autorité de nos jours.

À Jérusalem, le caraïsme prit un caractère très prononcé d’ascétisme. Soixante caraïtes, venus de divers pays, où ils avaient abandonné leurs biens et leur famille, s’organisèrent dans la ville sainte en une communauté, s’abstenant de vin et de viande, vêtus de haillons, jeûnant et priant, pour amener promptement la délivrance d’Israël. Ils s’appelaient « ceux qui pleurent sur Sion et Jérusalem » (Abèlè Zion). Les usages adoptés par ces moines caraïtes agirent sur la vie religieuse des caraïtes, en général, qui se mirent à observer très rigoureusement les lois de pureté lévitique, évitant de se mettre en relations avec des non juifs, dont ils ne goûtaient ni pain, ni pâtisserie, ni divers autres aliments. Peu à peu, ils déclarèrent les rabbanites eux-mêmes impurs, réprouvés et impies, et ils s’abstinrent de franchir leur seuil.

Établis d’abord en Babylonie et en Judée, les caraïtes se répandirent plus tard en Égypte, en Syrie et jusque dans la Crimée, ils formèrent des communautés importantes à Alexandrie, au Caire et en Crimée, dans les villes de Bospore (Kerisch), de Sulchat et de Kaffa (Théodosie). Quelques caraïtes ardents essayèrent, par des discussions, des discours et des lettres, de propager leur doc-