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L’évêque de Lyon ne se découragea pas. Peut-être savait-il déjà que des conjurés se préparaient à soulever les fils du premier lit de l’empereur Louis contre l’impératrice et l’archichancelier Bernhard, qui avaient conseillé au monarque de faire un nouveau partage de l’empire au profit de l’enfant de Judith. Car, à un certain moment, laissant de côté toute retenue, il écrivit à tous les évêques de France de faire une démarche collective auprès de Louis pour qu’il relevât la barrière qui séparait autrefois les Juifs des chrétiens. Il ne reste plus qu’une seule de ces lettres, celle qui est adressée à Nibridius, évêque de Narbonne. Agobard y dit, entre autres, que les chrétiens ne réussissent pas, malgré les plus louables efforts, à gagner une seule âme juive à leur religion, tandis que de nombreux chrétiens montrent une faveur marquée pour le judaïsme.

Sur les instances réitérées d’Agobard, de nombreux prélats se réunirent à Lyon pour examiner par quels moyens on pourrait abaisser de nouveau les Juifs, les soumettre, comme autrefois, aux lois édictées contre eux, et contraindre l’empereur à se conformer à la volonté du clergé. L’assemblée des évêques décida d’envoyer une adresse à Louis pour lui exposer les dangers qui résultaient de la liberté accordée aux Juifs (829). Cet écrit, tel que nous le possédons, est signé de trois évêques : Agobard, Bernhard et Caof, et est intitulé : De la superstition des Juifs ; il est précédé d’une introduction dans laquelle Agobard essaie de justifier la conduite qu’il a tenue jusque-là à l’égard des Juifs. Il n’accuse pas seulement les Juifs, il dresse surtout un réquisitoire sévère contre leurs protecteurs, qui seuls leur auraient assuré la sécurité et la liberté dont ils jouissaient en faisant accroire au peuple « qu’ils ne sont pas aussi méchants que les évêques le disent et que, de plus, ils sont chers à l’empereur. »

Au point de vue de l’Église et des lois canoniques, l’acte d’accusation formulé par le synode de Lyon contre les Juifs était d’une logique irréfutable. Mais Louis le Débonnaire n’en tint aucun compte, soit parce qu’il connaissait depuis longtemps les sentiments d’Agobard, soit parce que cet acte ne lui parvint pas, le parti favorable aux Juifs l’ayant tout simplement confisqué. Ago-