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des Juifs et de les replacer dans la triste situation qu’ils avaient occupée sous les derniers mérovingiens.

Un fait de peu d’importance lui servit de prétexte pour ouvrir les hostilités. Une esclave s’était enfuie de la maison de son maître, un Juif de Lyon, et, pour être émancipée, s’était fait baptiser par Agobard (vers 827). Les Juifs, voyant dans l’intervention de l’évêque une atteinte à leurs droits, demandèrent à Evrard, le maître des Juifs, de faire rendre l’esclave fugitive à son propriétaire. Agobard refusa d’obtempérer à la demande d’Evrard. La lutte fut longue entre les Juifs et Agobard ; à la fin, celui-ci fut destitué. Il ne se tint pas pour battu. Ennemi acharné des Juifs, il voulait que les lois canoniques de l’Église leur fussent appliquées dans toute leur rigueur, et, dans ce but, il demanda l’appui du parti ecclésiastique de la cour ; cet appui lui fut accordé. Les amis des Juifs ne restèrent pas inactifs, et, de leur côté, ils firent des démarches en faveur de leurs protégés. L’empereur nomma une commission pour examiner la question en litige ; mais, irrité, Agobard s’expliqua très mal. Il fut alors appelé devant l’empereur ; troublé par l’accueil glacial qu’il reçut, il ne put proférer une seule parole, et, comme il le dit lui-même, « il grogna plus qu’il ne parla ». Louis lui ordonna de s’éloigner de la cour, et Agobard se retira dans son diocèse. Là, il renouvela ses intrigues contre les Juifs. Sur son ordre, les prêtres attaquèrent les Juifs, dans leurs sermons, défendant à leurs ouailles d’entretenir des relations avec eux, de leur rien acheter ou vendre, de prendre part à leurs repas ou d’entrer à leur service.

Informés de ces faits, les amis des Juifs obtinrent des lettres de protection (Indiculi), munies du sceau impérial, qu’ils envoyèrent à la communauté juive de Lyon. Agobard reçut l’ordre de mettre fin à ses excitations contre les Juifs, et le gouverneur de Lyon fut invité à protéger tous ses administrés, sans exception (vers 828). Comme Agobard prétendait que ces lettres impériales étaient fausses, deux commissaires impériaux, Guerrick et Frédéric, pourvus de pleins pouvoirs, se rendirent à Lyon pour mettre à la raison le trop remuant évêque. Il est à remarquer que la population lyonnaise ne prit à aucun moment parti contre les Juifs.