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judaïsme qu’ils inspirèrent à de nombreux chrétiens le désir de connaître la religion juive.

Malgré son zèle pour l’Église, Louis, successeur de Charlemagne et surnommé le Débonnaire, se montra très favorable aux Juifs. Il les protégea contre l’hostilité des barons et du clergé, leur permit de voyager librement à travers le royaume, les autorisa non seulement à employer des ouvriers chrétiens, mais aussi à faire le commerce d’esclaves, à acheter des serfs à l’étranger et à les revendre en France, et défendit au clergé de baptiser les esclaves des Juifs et de les enlever ainsi à leurs maîtres par l’affranchissement. Les foires qui avaient précédemment lieu le sabbat furent fixées au dimanche. Les Juifs ne pouvaient être condamnés à la peine de la flagellation que par leurs propres tribunaux, on ne pouvait pas non plus les soumettre aux épreuves de l’eau et du feu. Il leur suffisait de payer patente et de rendre compte annuellement ou tous les deux ans de leurs revenus pour pouvoir trafiquer sans entrave ; quelquefois même, ils étaient nommés fermiers des impôts. Un fonctionnaire spécial, portant le titre de maître des Juifs (magister Judœorum), était chargé de sauvegarder les droits des Juifs. Du temps de Louis le Débonnaire, ce fonctionnaire s’appelait Everard.

La faveur particulière dont jouissaient les Juifs de France n’était pas due, comme on pourrait le croire, aux avantages que leur habileté commerciale assurait à leur pays, mais à leur titre de juifs. Judith, la seconde femme de Louis, cette reine si belle et si intelligente, avait une profonde vénération pour le judaïsme et pour les héros de l’histoire juive. Le savant abbé de Fulda, Rhaban Maur, ne trouva pas de flatterie plus efficace pour conquérir la faveur de cette reine que de lui dédier son travail sur les livres d’Esther et de Judith et de la comparer à ces deux héroïnes. À la cour, beaucoup de grands affirmaient hautement leur respect pour les Juifs, parce que cette race descendait des patriarches et des prophètes. Des chrétiens instruits avouaient préférer la lecture du philosophe juif Philon et de l’historien juif Josèphe à celle des évangiles ; des nobles déclaraient « qu’ils auraient mieux aimé avoir pour législateur celui des Juifs que celui dont ils suivaient la doctrine, » et ils demandaient à des Juifs