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ni s’approcher de lui, jusqu’à ce qu’il se soumît. Persistait-il dans sa rébellion, on avait le droit de le livrer au bras séculier. Malgré ses concessions aux idées rabbanites, Benjamin n’en resta pas moins fidèle au principe caraïte de la liberté de l’interprétation biblique. Il n’admettait pas qu’on obéît aveuglément à une autorité religieuse quelconque, mais voulait que chacun agît selon ses propres convictions. « Le libre examen est un devoir, dit-il, et l’erreur n’est pas un péché. »

Les doctrines motazilites, transplantées chez les Juifs, furent combattues avec acharnement, comme chez les musulmans, par ceux qui s’en tenaient à la lettre du texte, croyaient réellement, comme le disait la Bible, que Dieu avait un pied, une main, s’asseyait et marchait, et prenaient aussi à la lettre les explications aggadiques qui avaient été données de certains passages de la Thora pour les rendre compréhensibles à l’esprit de la foule. Ils finirent par représenter Dieu sous une forme absolument matérielle, mesurant sa taille en parasanges, et parlant, à la façon des païens, de son œil droit et de son œil gauche, de ses lèvres inférieure et supérieure, de sa barbe et des autres parties de son corps. Pour exalter la grandeur de Dieu, ils attribuaient à chacun de ses membres une longueur démesurée et croyaient avoir démontré suffisamment sa puissance en déclarant que l’ensemble de son corps dépasse en superficie la terre entière (Schiour-Komah). Ce Dieu étrange occupe dans le ciel un palais composé de sept salles (Hèkhalot), il se tient dans la salle la plus élevée, assis sur un trône de dimensions prodigieuses. Le palais est également habité par des myriades d’anges, dont le chef s’appelle Metatoron, qui n’est autre que Énock ou Henoch, que Dieu a enlevé du milieu des hommes pour le transporter au ciel et le métamorphoser eu un feu flamboyant. Ils ne craignaient pas d’appeler Metatoron le petit Dieu.

Cette théorie ridicule, formée de divagations juives, chrétiennes et musulmanes, s’enveloppa d’un voile mystérieux et se présenta comme une révélation divine. Malgré son absurdité, elle trouva, des adeptes, qui s’intitulèrent hommes de la foi. Ceux-ci se vantaient de pouvoir jeter leurs regards dans le palais de Dieu et d’être en mesure, grâce à des formules de conjuration, à des invocations